Soutenant son poids à bout de bras ; le dos plié de façon presque insupportable pour les spectateurs tant cela respirait la simplicité pour l’artiste d'une contorsion inimaginable pour un corps humain. Son torse dénudé révélant des cotes saillantes qui semblaient complètement désarticulées alors que sa tête passait sous son aisselle d’une échine courbée de façon improbable en arrière. Dans un dernier effort remontant ses longues jambes vers ce qui semblait l’infini avant d’être plongé dans l’obscurité. Les applaudissements le sortaient de cet état de concentration intense que demandait un tel exercice, le cygne reprit une stature plus « normale » où les os étaient correctement alignés ; debout face à son public alors que la lumière revenait à lui pour les saluer et les remercier finalement de cette admiration, de savourer un instant où il se sentait apprécier pour ce qu’il était vraiment et de ne plus avoir cette pudeur quant-à l'homme qu'il était vis à vis de ce que l'on aurait voulu qu'il soit. La sensation d’avoir transmis qu’il était encore permis de rêver, de vivre les rêves et de cesser de se fier à la fatalité. C’était bref comme instant, une sensation de vide et d’accomplissement à la fois. Puis il cédait sa place aux trapézistes qui à leur tour cherchaient cette sensation. C’était si sobre comme mode de vie, sa vision qu’il avait eue du cirque par le passé c’était métamorphosé et si la contorsion était un art peu exploité qui transpirait la grâce malgré toute sa difficulté. Il avait du apprendre à apprivoiser pleinement son corps, à comprendre chacune des articulations et tester leurs limites. S’il lui avait fallut des mois pour espérer présenter un spectacle bien qu’habitué aux mises en scène ; il n’avait pas imaginé être capable d’une telle détermination. Et s’il était une sorte de virtuose au sein du cirque, ses yeux bleus n’oubliaient pas la violence qu’il avait pu voir et son corps n’oubliait pas les secousses des mitraillettes qui engourdissaient ses bras sans la moindre pitié d’une violence qu'il n'aurait pu imaginer rencontrer un jour. Il semblait que les pluies de balles le hantaient encore, pourtant il allait mieux c’était une certitude. On ne guérit jamais du passé, mais l'on s'apprend à vivre avec.

Le grand brun s’éclipsait sur la pelouse derrière l’immense chapiteau, c’était désertique et il ici il n’y avait pas de visiteurs. Après le spectacle probablement retournerait-il auprès de tous ces yeux curieux qui allaient et venaient de part et d’autre du pays imaginaire. Plaire et distraire. Un étrange métier pour un homme étrange. Un grand miroir se tenait là, comblant le narcissisme des artistes qui travaillaient ici. Il n’y avait pas de place pour l’à peu près, il fallait être bon et s’amuser à la fois. Il passait devant lui, ne jetant pas un coup d’œil à son reflet qui ferait probablement fondre le miroir de millions de paillettes qui collaient sur sa peau, c’était beaucoup de détails pour rendre le spectacle encore plus palpitant. Il se débarrassait hâtivement de ses bandes autour des chevilles qu’il portait exceptionnellement parce que les muscles s’échauffaient parfois. Les os éparpillés, parfois les scènes avaient un coté macabre et lugubre et parfois c’était bien plus de joie avec toujours cette même légèreté. C’était avant tout du cirque, mais il y avait aussi des messages que personne ne saisissait jamais, l’important était finalement d’en faire la représentation qu’il convient à chacun.

En déroulant le dos, il se retrouvait nez à nez avec un homme qui faisait peut-être une tête de moins que lui ; l’ancien combattant fut assez étonné de voir cet étrange personnage faire son apparition de nulle part. Lui adressant finalement un léger sourire avant de lui dire bienveillant « Tu ne devrais pas trainer ici, méfies toi car si moi j’suis trop gringalet pour te faire dégager c’n’est pas le cas de tout le monde. » Il n’avait rien contre la présence des spectateurs ici, mais il était vrai que l’endroit ne disposait pas de coulisse et que même si à cette heure ci tout le monde était sous la toile tendue ; l’accès aux caravanes était réservé à ceux qui vivaient. Il y avait peut-être autant de paillettes au fond des yeux de ce type quand il le regardait que sur sa peau nue ; c’était si attendrissant de voir cela chez quelqu’un de vraisemblablement adulte ; loin d’imaginer qu’il s’agissait là d’une de ces créatures dont il ignorait encore l’existence bien qu’il en avait eu vent de la bouche des enfants dont les yeux étaient capables d’aller au-delà de la réalité. « Tu cherches quelque chose peut-être ? » Une question idiote ayant pour seul objectif de le mettre à l’aise et de l’encourager à se dévoiler. Belâam et se naturel de bienveillance et d'empathie ; il était un sourire réconfortant et une oreille attentive bien que souvent il s'oubliait dans le regard des autres. Il parait que l'on a besoin d'être aimé, c'était une sensation viscérale en ce qui le concernait.

Il était adorable avec cette chevelure frisotante, le fixant de ses yeux bleus en l’attente d’en connaître plus sur ses intentions ; cette façon déconcertante de le regarder avec des yeux comme deux balles de golf comme s’il avait cru être invisible et surpris d’être vu. Comme un fantôme qui passait dans le monde du visible, une ombre qui entrait dans la lumière. Ce garçon avait l’allure d’un papillon, être éphémère qui jouissait de sa vie d’une période si infime et pourtant insouciante du sort qui l’attendait à la tombé du jour. La question que l’homme lui pose est assez saisissante tant celui-ci semblait se méfier de Belâam qui sans le vouloir lui adressait un sourire sympathique avant de répondre « Pas vraiment… » Magicien, c’était le genre de qualificatif qu’on lui lançait régulièrement, mais ce n’étaient que des illusions parfaitement maitrisées. Le type regardait les maquillages, les pots oubliés dans la course vers la scène, une paire de ballerine qui trainait par terre et le contorsionniste gardait au creux de la main les bandes qui avaient protégés ces chevilles auxquelles il avait épargné un excès de torsion, du moins dans la conception de Belâam car de toute évidence ces pieds en avaient déjà trop fait pour un individu normalement constitué qui ne peut ouvrir son pied qu’à cent quatre vingt degrés.

La seconde question est encore plus déroutante ; d’un geste d’un naturel gracieux il tournait la tête un peu trop pour regarder son dos brillant comme son torse ; relevant les yeux vers ce curieux personnage avant de se pencher avec légèreté pour saisir un po au sol sans nul besoin de plier les genoux pour atteindre le sol ; se redressant lentement avant de répondre évasif et rêveur comme toujours « Ça dépend… Nos yeux sont les seules barrières de l’imaginaire ; mais les paillettes n’ont aucun pouvoir si ce n’est celui de tenter de les briser… » Autrement dit, un trompe l’œil dans un langage moins Belâamien. Esquissant un léger sourire en ouvrant le pot, récoltant sur la pulpe de son index un amas de paillettes argentées qu’il déposait avec douceur sur la paume de la main du visiteur qui fixait les paillettes particulièrement intrigué. Etrange personnage ; d’où sortait ce garçon ? Belâam se le demandait bien, mais il avait toujours une tendresse particulière pour ces personnes qui se donnaient la peine de se questionner sur la vie plutôt que de se contenter de la « subir ». Le questionnement, ou la perpétuelle volonté d’améliorer son monde. La curiosité pour finalement grandir ; le savoir c’était une chose que l’on prétendait appartenir à l’adulte mais Bel pensait que c’était la bêtise son blason.

Un contact léger, innocent. Il venait de toucher une fée et il en s’en rendait pas même compte, comment aurait-il l’envisager ? Il y avait encore beaucoup de choses de ce monde auquel il était un parfait ignorant ; passant des heures à s’entrainer isolé dans ses endroits absurdes où personne ne viendrait le voir. Entrant dans une valise et parfois si recroquevillé qu’il se disait que personne ne le remarquerait plus ; est-ce qu’il cherchait à disparaître ? Pas vraiment, Belâam avait conscience qu’il avait besoin des autres pour vivre, que leur indifférence était une torture pour lui ; que leur regard le plongeait dans la lumière et le sortait des terreurs de sa solitude et du passé. Ce n’était plus même de la naïveté, c’était un besoin d’être regardé. Le besoin d’exister et même si parfois il se sentait noyé dans les yeux rivés sur lui, il s’endormait avec le cœur si léger et les cauchemars chassé de tous ceux qui le hantaient. « D’où viens-tu ? » Interrogeait-il à son tour ; de quelle partie de l’ile pouvait-il bien provenir pour se poser de telles questions. Ce monde n’était que surprise. La vie ne comptait pas au nombre d’inspiration, mais au nombre de fois où l’on a le souffle coupé ; le genre de philosophie que l’on oublie avec le temps. Oui, on oubliait comme il était bon de laisser son cœur s’emballer au mépris des dangers. Que vaut la vie infestée de regrets ? Personne n’a dit que c’était facile, mais personne n’avait dit que c’était aussi dur. Parfois il suffisait d’aller trouver et de dire tout simplement : j’ai besoin de vous, ramenez moi au début…

T'es magicien ?

make me shine.

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Je ne devais pas être déçu. Ca n'avait aucun sens que je le sois. Je m'attendais à sa réponse, je la connaissais avant même d'avoir poser la question. Il n'était pas magicien, aucun adulte ne l'était. Ca n'existait pas chez eux… même une pseudo foi. Alors, pourquoi j'étais si atteint ? C'était idiot d'avoir voulu poser un espoir vain en une personne… Qui plus est une personne à qui je n'avais jamais parlé. Bien malgré moi, je braquais sur lui un regard de reproche. Ca ressemblait à un caprice. Une déception mal gérée. Et mal digérée.

Un peu boudeur, je continue de le regarder. Malgré tout, je ne peux pas m'empêcher de lui trouver une beauté que les autres adultes n'ont pas. Comment l'expliquer… Une délicatesse particulière. Comme si elle présageait une douceur pacifique. Au delà de ses gestes si léger et irréaliste, il émanait quelque chose, quelque chose qui n'avait pas de nom. Pas encore. C'était un instinct de fée, sans doute.
Clignant des yeux, je l'écoute parler. Il parle différemment. Un peu comme les livres. C'est jolie.

Il dépose un peu de poussière sur ma main. J'esquisse un sourire, presque sur le point de rire légèrement. De la poudre aux yeux, oui. « Vous voudriez faire croire que vous êtes magicien, alors ? Ce serait prétentieux … » Ce n’est peut-être pas son intention, après tout. Je frotte mes doigts entre eux, faisant tomber un peu de poussière vers le sol. La mienne ou la fausse, quelle différence ? Les adultes ne s'en rendrait pas compte, de toute façon. Je souffle alors sur la poussière, un jolie nuage explosant entre nous. J’étais absorbé par ce drôle d’endroit que sa question me prie de court.
D’où je venais.
Ah oui, je n’avais pas vraiment envisager ça. Balbutiant à demi, je le fixe avant de dire « D’ici. » absolument convaincu par mon propos. Oui je venais d’ici. Créature native de Neverland, mais ça, il l’ignorait. Pour lui, ma réponse ne voudrait probablement rien dire. C’aurait pu être Rivebois où les hauteurs des montagnes… Je m’eclaircis la gorge, avant d’être plus embarrassé. Et puis, j’aimerais être sûr d’une chose… Est-ce qu’il n’allait pas nous tuer comme les autres. A quoi croyait-il ? Pour qui se battrait-il, si ce monde tombait dans le chaos. «  Vous… Tu crois aux… »

J’ai pas le temps de finir ma phrase. J’ai juste besoin d’une toute petite réponse ! Je sens que mon corps trop grand s’engourdit. Depuis que Neverland est malade, nos transformations en pâtissent… Mais je ne pensais pas que ça durerait si peu de temps. Le sang pulse dans mes veines… J’ai à peine le temps d’articuler « Aux fées !? Tu crois aux fées ?! » que ma voix devient toute petite que ça m’étonnerait qu’il n’ait entendu la fin.

Je me retrouve au sol, sur le fesses. Minuscule, à regarder le faux magicien. Je ne pensais pas qu’il serait si grand. Et entre nous, j’ai peur qu’il m’écrase...

   

Code by Maugr

Spoiler:

Belâam fixait l’homme qui lui faisait face avec un léger sourire alors qu’il lui demandait s’il se faisait passer pour un magicien. Cette nature naïve qui dégageait de ce type était invraisemblable ; il espérait seulement que celui-ci ne serait pas dessua d’apprendre que l’illusion et la magie sont deux choses parfaitement distinctes. Les paillettes tombaient sur le sol et il répondait à l’inconnu « Non, je ne me prétends pas magicien tu sais. Je travaille juste énormément, à vrai dire… Quand l’on s’amuse vraiment, on ne peut pas considérer que c’est du travail n’est-ce pas ? Je suis libre. Libre de faire quelque chose qui me rend heureux et d’en vivre tout simplement. Je suis contorsionniste ; mon corps est juste trop compliqué pour les yeux. » Une énigme, voila ce qu’il était. C’est alors qu’il souffla les paillettes qui volaient dans un nuage qui s’effondrait à leur pied ; il ria dans un souffle. Probablement avait-il l’air d’un gamin, ceci dit ça ne pouvait pas être pied que celui qui lui faisait face. Puis il demanda d’où il venait et sa réponse fut assez évasive. Vraiment d’ici ? Mais c’était où finalement ? Ici, c’était partout et nulle part à la fois. Il avait longtemps hésité, comme s’il ne voulait pas lui dire d’où il venait. Que pouvait-il dire qui serait à ce point étonnant ?

C’est alors qu’il voulu lui poser une question, Belâam le fixait avec patience. Il ne semblait pas en pleine forme tout à coup… « Tu es sur que ça va ? » S’inquiéta l’artiste à la belle âme. Il semblait grippal d’un seul coup, piégé, comme au bord du gouffre. C’était déstabilisant, cette chute qui semblait inévitable. Aux faits ? Quels faits ? S’il croyait aux faits ? La voix de l’homme se fit si aigue qu’il en fut étonné, comme s’il étouffait. Que pouvait-il faire ; il était artiste pas guérisseur ou marabout. Disparu. Les yeux de Belâam s’écarquillaient quelque peu, est-ce qu’il avait halluciné ? Une main portée devant sa bouche, presque choquée. Comment quelqu’un pouvait disparaître d’une seconde à l’autre ? Il avait touché sa peau, cela avait été bien trop réel. Baissant les yeux au sol, et vit quelque chose au milieu des paillettes. Qu’est-ce… Il se pencha en avant, déstabilisé. Son pauvre cœur battait à toute allure d’étonnement. Posa un genoux et sol et fixait la miniature. Incroyable.

Avançant prudemment la main vers cette chose minuscule ; assise au sol qui semblait le fixer. Etait-il fou ? Attrapant la créature entre ses deux mains avant de l’approcher de l’un de ses yeux avec curiosité. Vraiment… C’était… Troublant… « Je… Je n’avais jamais vu ce tour. » Déclarait-il assez mal à l’aise ; oui il était sacrément… Bon magicien… Aux faits… Aux fées… Des ailes… Une voix aigue… C’était… Tellement improbable. « Est-ce que ça va ? » S’inquiétait-il de nouveau. Probablement était-il complètement cinglé et que si on le voyait parler avec une libellule le prendrait-on pour un malade mental.