Home. Cette simple notion de « maison » représentait tellement de choses à la fois. Un foyer, une famille, un cocon, un bien-être, une sensation de chaleur provoquée à notre retour. C’est cette sensation de plénitude que je ressentais à présent alors que je me réveillai dans ma chambre au Palais Royal. Si j’aimais virevolter dans les moindres recoins du Pays Imaginaires ayant tendance à fuir la vie beaucoup trop protocolaire de l’arbre des Fées, j’appréciais aujourd’hui de me retrouver auprès des miens. C’était ma première nuit à Neverland depuis ma secrète petite expédition dans le monde des hommes. La terre des humains est un lieu riche de découvertes et lorsque j’y accompagnais Peter j’exaltais de joie, touchant à tout, m’émerveillant devant le moindre objet. Je ne compte plus le nombre de fois où ce cher Peter a dû me recadrer pour ma curiosité… Malgré l’attrait que représentait le monde des hommes pour moi, je nouais une certaine crainte envers celui-ci depuis cette fameuse date de 1928. L’année où Peter rencontra cette stupide Wendy, l’année où tout bascula. Sans cette nuit, nous n’en serions certainement pas là. Depuis  cette fameuse rencontre avec les Darling j’avais peur de l’influence que pouvait avoir Wendy sur Peter et j’avais tout fait pour l’éloigner du Pays Imaginaire, allant jusqu’à fomenter de dangereuses alliances. Malheureusement le départ de Wendy avait plongé Peter dans la morosité et la Pays Imaginaire avec lui.  J’avais tout fait pour égayer Peter, mais il ne me voyait plus... Son regard était vide et même moi, sa plus fidèle alliée, n’était plus d’aucune aide, d’aucun secours. J’avais du mal à l’admettre mais Wendy était notre seul espoir… Voilà pourquoi, sans un mot à quiconque, j’avais quitté Neverland, et arraché Miss Darling à sa famille. A mon retour je m’étais faite incendié par mes parents, mais c’était devenu une activité à plein temps. Néanmoins j’étais heureuse d’être de retour. De retour avec un sentiment nouveau qui m’habitait : l’espoir.

Malgré le succès de mon opération, mon moral n’était pas au beau fixe. Certes l’espoir renaissait mais cette espérance était synonyme du retour de mon ennemie jurée avec laquelle j’étais bien malgré moi, en trêve. Je pensais et je ne voulais j’avais revoir cette chevelure rousse et ce sourire niais. Wendy, la fragile Wendy. Wendy, la douce Wendy, Wendy la « maman » des Enfants Perdus. Voilà que l’espoir impliquait la résurgence de ma jalousie… Je me devais de la contrôler, au moins le temps de mettre mon plan à exécution, et pour cela je n’avais besoin que d’une unique chose : une amie.

Je quittai l’arbre des fées en direction de la crique où j’espérais croiser mon amie de longue date, Eriel. En cette heure matinale, les sirènes vaquaient à leurs occupations et le lieu était désert. Je me posais sur un rocher, calant ma petite tête sur mes genoux et admirant le lever du soleil avec une certaine nostalgie. Le Pays Imaginaire était  bien trop beau pour que je ne tente pas l’impossible et je me battrai pour lui, pour Peter, envers et contre tout. Plus rien ne pouvait m’arrêter…

Mes yeux d’azur se noyaient dans le bleu de l’océan qui s’était admirablement installé en crique, créant un espace de détente et de relaxation incroyable, tant pour les sirènes que pour les autres créatures peuplant Neverland.  Cette vaste étendue d’eau encerclait dans son entièreté le pays imaginaire, l’isolant ainsi des autres mondes. Nous étions une communauté, des communautés mêmes, avec leurs différences, mais nous étions tous sur la même île, seuls face à l’océan... Longtemps Neverland m’était apparu comme un lieu merveilleux, la terre de ma naissance, celle qui me rassurait et où je n’y connaissais que bonheur et joie. Désormais les choses étaient quelques peu différentes. La présence des hommes ne cessait de grandir, créant l’insécurité dans ce pays que je chérissais tant. Ha, les hommes n’étaient une distraction intéressante que quand il s’agissait ponctuellement de parcourir leur monde. La race humaine m’intriguait au plus haut point, et je me délectais de parcourir leurs vastes contrées aux côtés de Peter, mais ici… Ici, ils n’apportaient que malheur à Peter, s’appropriant son territoire, cette merveille qui était né de son imagination infantile. Et que dire des pirates, sans doute les pires représentants de leur espèce. Ils ne sont bons qu’à boire ce qu’ils appellent « rhum » et à partir en quête des trésors à piller. Je ne comptais plus le nombre de fois où j’avais été la proie de ces maudits brigands, appâtés par la poussière de fée que je détenais ils en étaient venus à jouer de miles et unes ruses pour m’attraper… Heureusement j’étais moi aussi très rusée et les voir tenter de s’emparer de moi était devenu une joie bien plus que passionnante. Je me revoyais encore, tirant ardemment sur les moustaches du capitaine crochet.  Un sourire se dessina sur mes lèvres à l’évocation par mon esprit de ce vieux souvenir, m’arrachant ainsi à ma morosité. Neverland n’était pas encore si mal finalement, et rien n’était perdu.

Alors que je me dorais la pilule au soleil, m’imaginant virevolter et martyriser les pirates, je vis la surface de l’eau se modifier, laissant apparaître la princesse des mers mais aussi ma chère amie, Eriel. Là je vis la jolie blonde me faire de grandes signes et je l’entendis m’appeler enthousiaste. «Tinkerbell, Tinkerbell !» Je sursautai, me relevant d’un bond avant de la rejoindre en volant. « Eriel ! » m’écriai-je, avant de me poser sur le rocher auquel elle s’appuyait. J’étais si petite face à elle, mesurant à peine la hauteur de son visage. Je m’installai confortablement sur le rocher humide, laissant mes ailes retomber le long de mon dos. J’avais le cœur lourd et beaucoup à confier. « Je suis si heureuse de te voir. J’avais peur que tu ne sois trop occupée avec le couronnement en approche et… tout ça. »Je terminai ma phrase dans un murmure. Je savais qu’Eriel était préoccupée par les affaires royales et en tant que princesse je ne pouvais que compatir. Accomplir son  devoir n’étais vraiment pas chose facile. « Tu tiens le coup là-dessous ? » Lui demandai-je en désignant l’océan d’un signe de tête.