Ils m’avaient foutus un sacré bordel dans la taverne ! Du rhum sur le plancher, des verres brisés.. L’addition allait être salée. Je savais en partie qui m’avait mis un bordel pareil dans l’arrière salle, et ils n’allaient pas s’en tirer aussi facilement.. Qu’est-ce qu’ils croyaient ? Que les verres poussaient sur les arbres, peut-être ?! J’étais en colère, réellement en colère. Mon balai à la main, j’essayais de redonner un semblant de dignité à mon établissement que les pirates avaient saccagé. Car non contents de se battre et de beugler comme des animaux en rut, ils se sentaient forcés de détruire tout ce qu’ils touchaient. Je les haïssais, je détestais les pirates du plus profond de mon être, je détestais devoir leur servir à boire, je détestais les voir reluquer Pandore, je détestais savoir que parmi eux il y avait sûrement le meurtrier de ma sœur.. Mais je devais me taire. Je devais me contenter d’observer, et de me la fermer pour ne pas faire couler mes propres plans. J’aurais tout aussi bien pu cramer le Neptune, après tout. Cramer tout l’équipage de ce bateau qui abritait celui qui avait pris la vie de ma sœur.. Mais je voulais faire souffrir cette personne, comme je souffrais depuis que Raquel était partie.. Ma vengeance ne serait pas complète si je me contentais de faire couler ce navire avec son équipage à bord..

En me penchant pour ramasser quelques débris de verre, ma peau rencontra le tranchant d’un des bouts. « HIJOS DE PUTA !!! » me mis-je à crier dans le vide de ma taverne, en envoyant valser mon balai à l’autre bout de la pièce. Ma voix trahissait mon énervement du moment, et je me mis à déverser un flot d’insultes en espagnol, sans pouvoir m’en empêcher, pendant que je donnais des coups de pied dans le verre qui était au sol. Mon doigt saignait, mais je n’en avais strictement rien à faire. J’étais simplement en colère. En colère et frustré de ne pas pouvoir tout simplement exploser le crâne de chaque pirate qui passait la porte de mon établissement ! Je devais subir leur manque de savoir-vivre, alors que je ne leur devais absolument rien, et cette idée me rendait fou. Ce fut au moment où j’en étais à insulter le ciel et la terre dans ma langue maternelle que j’entendis la porte de la taverne s’ouvrir. Fermant les yeux quelques instants, j’essayais de me calmer, pour faire bonne figure.. Avant de sortir de l’arrière salle en essuyant mes mains sur mon tablier, y laissant une trainée de sang. Je respirais profondément, en me forçant à sourire au gamin qui était entré dans la taverne. « Désolé gamin, la taverne est fermée, et je sers pas d’alcool aux ado. » Dis-je presque mécaniquement en observant celui qui venait d’entrer. Il n’avait pas l’air bien vieux, et très franchement, je me demandais ce qu’il venait faire dans ma taverne. Il devait avoir à tout cassé 17 ans.. Et mon instinct paternel prit le dessus sur le reste.. « Mais tu peux t’installer là, si tu veux, c'est au moins plus sûr que dehors.. Alors, dis-moi, t’aimes les cocktails à base de jus de fruit ? Parce que même si tu m’dis que t’es un homme, ça prendra pas avec moi, ce sera jus d'fruit ou eau ! » Je lâchais un rire à demi-amusé, tout en le regardant. « Alors, gamin, qu’est-ce que tu viens faire par ici ? Le camp de Peter Pan est pas dans la forêt ? J’pense pas que ton chef serait très content de te voir trainer avec un adulte, et encore moins dans une taverne ! » Ouais, j’étais persuadé que c’était un de ces « enfants perdus » dont on entendait parler à longueur de journée..