«  Dublin, tu viens de Dublin ? »

Je l’ai noté dans un journal. Un très vieux journal que je garde depuis que je suis à Neverland. Il n’y a pas de date. Il n’y a jamais eu de date. J’ai quitté Dublin, un nuit, dans un envol magique. Les étoiles, la nuit… Je m’en souviens comme si s’était hier. Quand j’ai découvert tout les garçons, cette île… Et Peter pleins de promesses. C’est comme si je vivais dans un rêve sans fin, un rêve qui avait commencé il y a si longtemps que j’aurais pu croire que c’était le début de ma vie. Ma vie d’avant, je n’en ai pratiquement aucun souvenir. La maison de mes parents, il y avait peut-être un chien.. Et un petit frère. Je ne sais plus à quoi ressemble l’Irlande. On parle du vrai monde, du monde où le temps s’écoule, mais pour moi, il n’existe pas vraiment.

« Robin… Comme les oiseaux ? »

Libre, trop libre. Comme les moineaux que j’essayais d’attraper. Robin, c’est le nom que je me suis attribué avec les premiers enfants perdus. Insaisissable, libre. Léger et volatile. C’était mon identité, la véritable que je me connaissais. Lou, ma fée, m’a toujours dit que j’étais trop aventureux… Trop curieux. Je voulais toujours voir de nouvelle chose, tout essayé, tout vivre. Risqué ma vie et m’envoler in extremis. J’ai toujours eu une chance folle, ou une fée merveilleuse pour me protéger de tout les maux. J’ai attiré des ennuis aux enfants, c’est vrai… mais ma nature est ainsi.

« Je veux partir, Robin… Je veux rentrer en Angleterre. »

Wendy nous a quitté, un beau jour. On le savait tout, on le sentait. Nous n’avions aucune confiance pour les filles. Malgré tout, j’ai réfléchis. Pourquoi partir, alors que l’enfance nous était offerte. Pas de responsabilité, l’insouciance. Nous étions naïf, joueur pour toujours. Mais elle, elle voulait grandir. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y avait de si plaisant à grandir ? Alors j’ai réfléchis… j’ai commencé à perdre ma foi et mon enthousiasme. J’ai changé, oui… Intérieurement, je grandissais. La question d’une enfance sans fin me tourmentant. Qu’est-ce que j’y gagnerais ? Le monde des adultes, Peter nous le dépeignait comme cruel, triste…
Moi, j’y voyais de l’espoir. De la nouveauté.

«  Les adultes vont tuer Neverland ! »

C’est ce que pensait Peter. J’aurais aimé le croire, mais je ne savais que le contredire. Les adultes m’attirait, comme le soleil attire la vie. J’aurais du me l’interdire, m’empêcher de voir comment ils évoluaient, pensait la vie, vivait la vie. D’une façon si radicalement différente de la notre… de la mienne. Alors, je m’échappais de la vigilance des enfants, je cachais à tous que je m’approchais d’eux et qu’à leur insu, j’acceptais de grandir. Tout m’attirait. Changer, vivre une chose nouvelle. Et le temps à fait que j’acceptais de quitter les enfants. J’ai accepté mon sort, accepté ce que les adultes voulaient. L’amour, l’opulence… La vie sans limite, vécue à tout allure.
J’avais peur… Peur de grandir, peur d’autre chose que j’avais vécue depuis un temps trop long, mais je m’y jetais, à corps perdu, aveuglé par l’ivresse du monde.

« Je suis déçu, Zick. Déçu de ce que tu fais. »

Je suis partie sans me retourner. Sans un regard vers les enfants perdus. J’avais déjà vieillis, trop pour que je ne passe inaperçu. Sans excuse, sans explication. Lou m’en voulait, Lou a pleuré… Elle a essayé de me retenir, mais je n’ai pas voulu. Il était trop tard et j’étais déterminé. Je voulais comprendre, apprendre…
J’ai appris à me débrouiller par les seules choses que je connaissais… Raconter des histoires, inventer. De ma rêverie, j’en ai fais des mensonges. De mes jeux d’enfants, des tricheries d’adultes. C’est triste, de démolir ainsi mon enfance, mais le monde des adultes est impitoyable. Je dis aux adultes ce qu’ils veulent entendre, je leur vends des rêves et des buts. La cartomancie, c’est un mensonge. Un jeu. Et ma seule façon de survivre. Le monde des adultes est impitoyable, l’entraide n’est qu’une illusion...
Je dirais toujours des autres qu’ils sont des adultes, car je n’appartiens à rien.