LESTER & ANNABETH.
Annabeth était une jeune femme qui avait pour habitude d'arpenter fièrement les rues de Rivebois. Elle passait très rarement inaperçue, profitant des regards qui se soulevait sur son passage. Elle avait toujours aimé qu'on la remarque, qu'on la regarde et qu'on l'admire, mais elle aimait encore plus qu'on la jalouse. La tête haute, elle marcha jusqu'à sa boutique, ouvrant la porte d'un geste vif et tourna le panneau "ouvert/fermé" qui signifia alors aux habitants qu'ils pouvaient dès maintenant faire leurs achats.

Annabeth s'assit derrière le comptoir, profitant de ce moment de calme pour faire ses comptes. Son activité lui réussissait plutôt bien, elle avait un bien meilleur niveau de vie qu'elle aurait pu l'espérer en restant à Londres. Etre propriétaire tout en étant une femme était encore assez mal vu en Angleterre et pour que son commerce marche, elle aurait sûrement dû se cacher derrière son mari, ce qu'elle trouvait inconcevable. Ici, elle était libre. Libre de faire les créations qu'elle désirait, de les vendre aux prix qu'elle voulait et surtout libre d'être la femme qu'elle voulait. Elle ne regrettait pas encore d'avoir tout quitté pour s'installer sur cette merveilleuse île, bien au contraire, la beauté des paysages avait tendance à stimuler sa créativité et son imagination.

Après quelques minutes passées au-dessus de la calculatrice, la jeune femme se décida à aller s'occuper des réparations. Tous les bijoux qu'elle vendait possédaient une garantie d'un mois, alors elle devait également se charger de quelques raccommodages. Elle s'était installée un bureau derrière un rideau de velours rouge, elle faisait toujours grande impression lorsqu'elle sortait de cet endroit mystérieux pour accueillir un client. Son bureau en bois de chêne était rempli de divers pierres précieuses et de bouts de tissus. Elle possédait aussi des petites pierres scintillantes aux couleurs variées, qu'elle avait découvertes sur l'île. Annabeth s'assit et attrapa rapidement une paire de ciseaux et du fil. Elle se mit à la tâche pendant plusieurs heures, ne manquant pas d'aller servir les clients comme il se devait.

La matinée de fût pas très fructueuse, quelques personnes avaient passé le pas de la porte, mais la plupart du temps, ils désiraient seulement découvrir les divers articles. La journée entière continua sur le même rythme et la seule occupation qu'elle trouva fût de dessiner. Elle laissa son imagination faire le travail, tout en ayant tout de même une idée de base quant à son croquis. Au final, elle avait le dessin d'un costume masculin au charme et au chic redoutable. Fière de son travail, un sourire s'apposa sur ses lèvres. Elle décida qu'il était temps de fermer boutique.

Elle profita de la nuit qui n'était pas encore tombée pour faire un crochet jusqu'à sa maison, elle se changea, se revêtant d'une robe noire cintrée et se refaisant une beauté. Après une longue minute passée à s'admirer dans le miroir, preuve de son narcissisme, elle se décida à aller faire un tour du côté du cirque. Ses croquis toujours à la main, elle traversa Rivebois d'un pas bien décidé. Elle s'arrêta net juste devant le chapiteau, mais au lieu de faire la file comme les autres habitants, elle se dirigea vers l'arrière et tomba nez à nez avec la personne qu'elle désirait voir, Lester Wayne. Elle s'approcha alors de son pas félin, sourire en coin. "Bonsoir, Lester." Elle le toisa du regard, l'observa de bas en haut comme elle avait l'habitude de le faire et se rapprocha de lui. C'était un bel homme et il resterait ainsi encore de nombreuses années grâce à Neverland. Elle avait été immédiatement attirée par lui et encore plus, par son pouvoir. "Comment allez-vous en cette belle soirée ?"

LESTER & ANNABETH.
L'infection. C'était le mot. Ca sonnait comme défection, ça sonnait comme abandon. Un, encore un. Comme là, comme toujours depuis ses premiers mois. Un abandon froid, décharné. Une vie amendée en codes pénaux, une vie si belle et si chienne.

Une vie impalpable, caressante, douce et violente, si violente. Le changement n'apporte souvent qu'un nouveaux lots de soucis à peine déguisés. Et aujourd'hui, ses noires pensées étaient toutes là. Comme le monstre glouton des songes d'enfants, comme le rythme des bottes s'en allant vers le combat. Soldats fous, la fleur au fusil partant se battre pour le Salut Commun.
Son cerveau, c'était cela en cette journée. Des bottes froides qui frappaient le pavé des quais de gare. A jamais, ils tomberaient comme de vastes crétins. Pays fous, nations ravagées.
C'était pour fuir ces desseins sombres qu'il avait décidé de partir, partir loin de la réalité du monde. Partir ici, tout reconstruire. Voilà ce qui avait motivé Lester Wayne à ne point sombrer dans de tristes objectifs.

La mort n'avait rien de charmant mais elle aurait pu le tenter un temps auparavant. Le glaive n'avait point trouvé de gorge à trancher mais il aurait pu. S'il n'y avait pas eu cette chance de tout reconstruire, cette chance d'offrir à sa famille, celle du Cirque, une nouvelle vie pleine d'idéaux, il aurait pu s'offrir à la triste destinée.
Il s'en était convaincu aujourd'hui même, et cette mortelle pensée ne l'avait point quitté. C'était en songeant à la guerre qui approchait qu'il avait pensé.

Le monde réel allait sombrer dans un conflit mondial, Lester l'avait compris quelques années avant de quitter le pays, quand Adolf Hitler était arrivé au pouvoir en Allemagne. La guerre semblait poindre déjà sur les plaines sereines d'un monde à peine en paix avec ses vieux démons.
Si l'erreur était humaine, la reproduire était un suicide collectif.

Wayne était un humain après tout, et il était peut-être en train de commettre les erreurs qu'il conspuait lorsqu'il s'agissait des Autres (avec ce grand A tellement accusateur).
Grand brun classieux, il était là, sur scène sans savoir que faire. Son art était complexe mais il n'avait aucune envie de l'exercer ce soir. Le battler n'avait d'autre envie que celle de se retrouver seul.
Alors qu'il devait préparer ce qui serait une guerre menée contre les Enfants, il se trouvait là, bloqué par d'autres crétins.

Une fois qu'il eut assuré la présentation, il décida de sortir. Un paquet de cigarettes en poche, il attrapa une boite d'allumettes au fond de sa poche et grilla avec le plus grand des plaisirs un peu de ce tabac si agréable. Il garda les yeux clos, empêchant une rafale de larmes de l'envahir. Lester Wayne ne pleurait pas.
Fumer était un plaisir absolu. Fumer était une merveille. Loin de la société d'aujourd'hui, les mœurs avaient des valeurs bien moins médicinales. Wayne ouvrit les yeux. Devant lui, une voix venait de s'élever, une voix qu'il ne connaissait que trop bien. Annabeth. Il l'appréciait fortement (à vraiment dire, il appréciait surtout ses formes).

La fixant dans un demi sourire, il écrasa le mégot encore brûlant de la cigarette qui venait de s'éteindre dans un dernier volute de fumée. "Annabeth, quel plaisir de vous croiser.  "
Il poursuivit encore son sourire délicat, tout cela se résumait à un jeu de séduction parfaitement bien huilé. Un jeu du chat et de la souris où la finalité n'avait d'autre cesse qu'être un lit et deux corps nus, s’échafaudant dans de perverses et complexes figures. "J'ai des idées noires et de noires idées. Le monde ne rêve que de se déchirer, et j'en suis la plaie.   ". Il alluma nerveusement un autre rouleau de tabac, puis, secouant la tête de gauche à droite, il reprit la parole. "Bref, vous n'êtes pas venu me voir pour que je vous donne l'envie d'attenter à ce joli minois. Que puis-je faire pour vous ?  "

LESTER & ANNABETH.
Annabeth frissonna sous la légère brise. Le ciel était plus sombre que d'ordinaire et le temps plus frais, tout ça depuis que l'Enfant avait été blessé. Elle refusait de croire que Peter faisait la pluie et le beau temps sur l'île, mais apparemment il était bel et bien magiquement lié à Neverland. Soupirant, elle continua d'avancer, observant la foule qui se dressait devant le chapiteau. Le cirque était l'une des seules occupations de la population de Rivebois. Lester frappait fort. Non seulement, il devait gagner plus d'argent qu'il ne pourrait jamais en dépenser, mais en plus, il était le chef de village. Annabeth ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la jalousie à son égard, il avait poids énorme sur les épaules, mais il jouissait également d'un pouvoir sans égal. "Annabeth, quel plaisir de vous croiser." Un sourire apparu au coin de ses lèvres. Sa voix virile et confiante avait le don de la faire frémir. Elle ne savait pas au juste ce qui l'attirait tant chez cet homme sans coeur, sa froideur, son talent ou son autorité. C'était peut-être l'ensemble qui rendait sa personnalité si charmante. "J'ai des idées noires et de noires idées. Le monde ne rêve que de se déchirer, et j'en suis la plaie." Il paraissait lassé et ses paroles ne faisait que le confirmer. La blondinette tenta de pénétrer ses pensées froides en le fixant brièvement, malheureusement elle ne le connaissait pas assez pour pouvoir deviner ce que cet habile esprit pouvait bien renfermer. "Vous auriez du devenir poète ou écrivain mon cher Lester. Vous semblez aussi torturé qu'eux et vous avez, vous aussi, le don d'assembler les mots." Son regard pénétrant se posa un instant sur ses yeux froids. Il alluma une nouvelle cigarette, une addiction qu'elle avait beaucoup de mal à comprendre, même si elle se doutait qu'il fumait pour vaincre le stress que sa position engendrait.

"Bref, vous n'êtes pas venu me voir pour que je vous donne l'envie d'attenter à ce joli minois. Que puis-je faire pour vous ?" Elle aimait les compliments, encore plus lorsqu'ils provenaient d'un tel homme. Elle laissa dévoiler ses dents blanches dans un sourire éclatant. "En fait, c'est un pur hasard si nous nous croisons, je passais par là. Mais puisque vous êtes là, j'ai quelque chose à vous montrer." Elle n'allait pas lui avouer s'être déplacée seulement pour ses beaux yeux. Au contraire, il fallait qu'elle cultive la part de mystère qui l'entourait. Elle jeta un bref coup d'œil aux alentours, vérifiant qu'ils étaient seuls. Elle avait horreur d'être épiée. Elle remarqua que le ciel s'assombrissait encore, une nuit calme et paisible n'allait pas tarder à tomber sur l'île. Frissonnant une nouvelle fois, elle se rendit compte qu'elle devrait passer à des vêtements plus chauds si le temps ne s'améliorait. Et cette simple idée lui fît détester Peter encore plus.

Elle souleva sa farde, l'ouvrit avec aisance et en sortie une feuille de papier jaunâtre. Elle l'a tendit à Lester, parlant de sa voix forte et assurée. "Vous m'avez inspiré. Si le croquis vous plaît, je suis prête à créer ce costume unique. Ca sera un cadeau. Une sorte de remerciement pour tout ce que vous faites pour Rivebois." Elle posa son regard sur lui, elle avait passé une partie de l'après-midi à faire ce croquis et le costume qui en ressortirait vaudrait une petite fortune, mais si cela lui permettait de faire un pas de plus vers la gloire du jeune Wayne, elle était prête à tout.