memory drives us crazy

LILY & LUCIOLE

Lily ne va pas bien. Sa tête est comme malade, et son cœur l'est aussi. Tout vient de son âme peut-être ? Hier soir elle a regardé les étoiles. Elle ne l'a pas fait depuis des mois mais elle se sent si vide ces derniers temps qu'elle a cédé hier, qu'elle a été faible, qu'elle a murmuré sa petite prière rien qu'à elle. Rien n'a changé au fond, elle est toujours la gamine pleurnicharde qui a peur. Sauf que maintenant elle n'a plus de bras dans lesquels se cacher, plus de main à saisir, plus de respiration rassurante sur laquelle caler la sienne. La princesse indienne tourne comme une tigresse en cage dans son tipi. Elle vient de terminer l'entraînement et le soleil n'est pas tout à fait couché mais là maintenant elle n'a pas envie de faire autre chose que se lamenter sur son sort. Elle ne se l'accorde que trop rarement. Ce qui lui  fait le plus mal là tout de suite c'est qu'elle sait que ce soir encore elle lèvera les yeux vers les astres, les joues marbrées de larmes. C'est pitoyable de ne pas aller de l'avant comme ça, mais pour avancer il faut déjà accepter sa peine comme une part de soi. L''indienne balance rageusement un coussin contre la toile de la tente et sort d'un pas énergique et rageur. Elle est en colère contre elle-même, contre celui qui l'a trahie, contre Peter qui ne lui rendra jamais son amour, contre son père qui veut impérativement l'unir à lui, et même contre les étoiles ! Pour une fois elle sort sans être armée. Elle a juste besoin d'air. Elle se sent comprimée partout ou elle va et ce sentiment ne fait qu'empirer au fil des jours. Comme une brûlure désagréable à laquelle elle ne peut pas échapper. Sa longue robe virevolte autour de ses chevilles, elle sent ses poumons se gonfler d'air frai et la brise de fin de journée l’apaise un peu. Mais juste un peu, juste assez longtemps pour qu'elle gagne un petit coin de verdure légèrement excentré du village. C'est une petite clairière très proche du terrain d'entraînement. Là-bas elle a de nombreux souvenirs d'enfance que ce soit avec Asha, avec Peter ou encore avec Ezechiel. Mais c'est aussi son havre de paix à proximité du camp. Elle s'y sent reine même quand elle est triste et alors les seuls témoins de sa peine sont les arbres, les cailloux et les brins d'herbe. Pourtant une petite part d'elle souhaite du réconfort. Elle voudrait que quelqu'un apparaisse miraculeusement pour lui dire que la douleur finit toujours par s'envoler un jour, qu'il existe des havres de paix même pour les larmes. La princesse s'assoit en tailleurs sur le sol et essaye de respirer calmement. Elle veut calmer ses nerfs, elle veut que son esprit arrête de gamberger à une vitesse folle mais pour seul résultat elle obtient une perle salée qui roule le long de l'arrête de son nez. Aussi acide qu'amère, comme si elle comptait laisser une trace pour l'éternité. C'est long l'éternité. It's enough to lose my head,  disappear, and not be seen again.

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LILY & LUCIOLE

Toujours assise sur l'herbe, Lily n'arrive pas à lutter contre toute cette tristesse qui la submerge. C'est le grand tsunami des émotions. C'est indigne d'une guerrière, elle le sait bien. Mais au delà  d'une tigresse douée avec un arc ou une lame elle est avant tout une jeune femme pleine de doutes et à fleur de peau. Peu de personnes le savent et celles qui sont au courant sont celles qu'elles considèrent comme absolument dignes de confiance. Y en a-t-il tant que ça ? Une part d'elle n'aime pas être vue aussi bouleversée, l'autre implore pour obtenir un peu de réconfort. Elle arrache toute l'herbe que ses doigts rencontrent de manière frénétique. Elle ne contrôle pas sa respiration qui est plus chaotique que jamais. Elle se met à taper des pieds et des mains contre le sol, comme une gamine en colère ou comme quelqu'un qui a complètement perdu la tête. Si elle n'était pas aussi proche du camp elle crierait jusqu'à ce que sa gorge la brûle et que ses poumons explosent du fait du manque d'air. Et même ça ne parviendrait pas à soulager la peine. C'est parce que ce n'est pas quelque-chose de quantifiable. La douleur n'est pas visualisable, on ne peut pas la chasser de la main comme une larme ou une poussière. Tous ces gens passent leur vie à écarteler la princesse, à la briser morceau par morceau, l'affaiblissant continuellement. Et lui plus que tous les autres. Il était l'intermédiaire de toutes ses peines et il s'était volatilisé. Comme s'il avait plongé sa main dans son abdomen pour arracher son cœur et son âme puis qu'il les avait mis sur une pierre pour les transpercer encore et encore. Entre rancœur, regrets et agonie. Elle ne doit pas y penser...Elle ne doit plus y penser...Elle doit respirer...Elle doit se montrer forte, princière...Elle...pleure...comme une enfant ? C'est comme ça que la petite fée la trouve. Elle est presque roulée en boule. Recroquevillée, les genoux contre son buste. Elle est au milieu d'un tas d'herbe que la brise fait voleter. Elle qui d'ordinaire tient tant à la nature n'a plus aucune pitié quand elle souffre. C'est dans des moments comme ça qu'elle pourrait se battre. Si elle était blessée au moins, elle saignerait pour oublier tout le reste. Elle dormirait longtemps. Toujours ? Pour ne plus ressentir les choses d'adultes qui heurtent. La fille qui aimait trop. Lily tu chiales encore comme une idiote. C'est ainsi que Luciole la voit. Elle est plus bas que terre et ce n'est pas une image d'elle souvent visible. Il cueille l'unique larme qui a coulé avec sa toute petit main. Larme de rage, larme de souvenirs. Qui montre qu'elle est encore pleinement vivante. Elle penche un peu la tête vers le sol, elle ne veut pas être vue ainsi. Et pourtant elle est tellement contente qu'il soit venu jusqu'à elle. « Elle est complètement pitoyable la grande guerrière indienne hein ? Je vais faire une bonne chef plus-tard, c'est sûr...Je lancerais la super attaque pleurs de gamine sur mes ennemis. » Son ton est cynique, désabusé et un peu éreinté. Elle est si fatiguée. Est-ce que les nerfs peuvent vraiment éclater ? Ils terminerait en poussière pourpre qui s'envolerait haut dans le ciel. Ce même ciel dans lequel brillent les étoiles. Elle soupire elle aussi et regarde la jolie poussière de fée atterrir un peu partout sur elle quand Luciole la survole pour aller se poser sur ses chevilles. En tant normal ça l'aurait fait rire. Mais c'est quoi au fond le temps normal ? « J'y pense toujours. Je fais semblant parfois, comme si la douleur était enfin passée mais...On n'oublie pas quelqu'un comme ça. Pourtant je lui en veux...C'est juste que ce n'est pas assez. Je ne lui en veux pas suffisamment pour abandonner l'espoir de le revoir un jour. Une jolie idiote. Je suis une jolie idiote qui continue de tenir à un traître. » Un petit rire nerveux la parcourt pendant quelques secondes. Mais très vite il se brise pour devenir un sanglot. De nouvelles larmes affluent au bord de ses yeux. Ses épaules tremblent un peu et elle aimerait pouvoir se cacher au fond d'une grotte très sombre. « Merci d'être venu Lulu. » Elle sait bien qu'il déteste qu'elle l'appelle comme ça et elle peut donc être à peu près sûre que ça le fera réagir. Son mauvais caractère arrive toujours à lui faire oublier ses soucis pendant un temps. Cette petite fée n'est pas seulement adorable, c'est un ami très précieux pour la jeune femme.

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Sa colère est dirigée contre ceux qui lui font du mal mais aussi plus généralement contre ses adultes qui changent leur monde. Elle les déteste ! Ils tuent leur monde à petit feu. Et c'est leur monde, c'est pas le leur alors qu'ils reprennent leurs affaires et qu'ils dégagent ! Et s'ils ne veulent pas...s'ils ne veulent alors peut-être qu'elle sera prête à se battre et à verser le sang ? Oui, sans doute. Elle ferait n'importe quoi pour que la rage qui couve depuis trop longtemps en elle les mette à terre. Elle veut sauver son pays. Il y a  une petite  lueur de foi qui continue de scintiller au fond d'elle et cette petite lueur est la première étincelle du brasier de sa colère. Mais aujourd'hui tristesse et colère se confondent et les fragments de haine logés comme des éclats de verre au fond d'elle donnent du cœur à ses larmes. Elle sait que Luciole est un allié précieux dans son combat. Il est un allié, un ami, un confident et même une peluche quand elle va bien. Même si ses yeux n'arrivent pas à l'exprimer là maintenant tout de suite, elle est vraiment contente qu'il soit venu. C'est plutôt rassurant de savoir que des amis qui sont là depuis des années restent fidèles au poste. Ce n'est pas le cas de tous...Mais c'est une autre histoire. La princesse lisse du plat de la main l'herbe qu'elle vient d'arracher sans pitié. Elle culpabilise un peu. Cette si belle nature que tous ces adultes ignobles viennent détruire...Elle a peur, si peur qu'un jour ils réduisent Neverland en cendres...Alors pas besoin elle aussi d'arracher ces petits brins de vie. Même si c'est apaisant. Les garçons frappent du poing contre les murs et les arbres, elle ne peut qu'arracher l'herbe. Faut être un peu malade quand-même pour se dégommer le poing comme ça. Les garçons sont incompréhensible, parfois. « Non...C'est idiot d'arracher de l'herbe pour un caprice de gamine. Les fées sont les gardiennes de la nature, tu devrais plutôt m'engueuler. » Lily, pourquoi tu te fais du mal comme ça ? Pourquoi tu n'acceptes pas que souffrir c'est humain ? Peut-être bien que tu mérites d'être heureuse, mais c'est pas comme ça que tu vas y arriver. Arrête de te lamenter Lily. Tu verras, un jour la vie sera belle à nouveau. Si tu y crois très fort, si tu croises les doigts jusqu'à en avoir mal...si tu peux croire encore. « Je crois bien que je les déteste tous ! Ils pourrissent l'île...Ils font n'importe quoi ! Ils sont tellement stupides et leur connerie les aveugle. Jamais ils ne se remettent en question. Je les déteste ! Je les déteste ! Je veux les voir disparaître ! » Et en disant ça elle bat de nouveau des pieds et des mains. Elle s'égosille, impuissante, contre le cours de la vie qui ne l'écoute pas. Elle en a mal à se griffer la peau. Alors elle occupe ses mains, pour ne pas faire des choses encore plus stupides. C'est aussi pour qui ne la prenne pas pour une folle. Si ce n'est pas déjà le cas en fait.

Elle sanglote un peu plus. Elle essuie compulsivement les larmes mais ça ne sert déjà plus à rien. Ses joues la tiraillent, la brûlure est tenace. Elle essaye de respirer, de se calmer un peu et entre deux sanglots violents elle lâche quelques mots. « T'as raison, grandir c'est tellement horrible ! Mais tu sais...les indiens finissent par grandir qu'ils le veuillent ou non...On prend dix ans physiques en cent ans passés sur l'île, certes, mais quand-même. J'ai tellement peur si tu savais ! Je ne veux pas d'une vie d'adulte. Moi parmi les adultes ça ne rimerait à rien...Je veux pas... » Entre ses larmes elle distingue que la fée à changé de taille, qu'il est devenu en quelques secondes vraiment plus grand. Il a pris sa taille humaine. Lily sourit faiblement, définitivement elle est heureuse que quelqu'un se soit porté à son secours, et elle l'est encore plus que ce soit Luciole. Oui il est aigris et il a mauvais caractère mais il est aussi très lucide sur le monde qui l'entoure, et la princesse a besoin de s'entourer de gens lucides car sinon elle va vraiment perdre la tête. « C'est adorable de ta part. J'espère que je ne t'ai pas trop dérangé au moins... » Il vient s'asseoir à côté d'elle et elle lui ébouriffe les cheveux, par réflexe. Elle sait bien que ça l'énerve. Elle aime bien l'embêter. Ça la raccroche aux petites choses de la vie, au réel. Il passe un bras autour de ses épaules pour la ramener contre lui et elle niche sa tête dans son cou. Elle se sent beaucoup plus protégée, rassurée, et elle en avait vraiment besoin. « Tu vois ce que je te disais, j'ai grandi. Ça me rend malade. Puis si je pleure plus c'est parce  que les gens savent de mieux en mieux comment me blesser. Grandir ça rend vulnérable. »

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Ce qu'il y a de bien avec les larmes c'est qu'elles ne se tarissent jamais. On peut pleurer des litres un jour et pleurer tout autant le lendemain. En ce moment Lily a l'impression qu'elle pourrait créer un tout nouvel océan. Les cris qu'elles voudraient pousser se noient instantanément dans toute cette eau  et elle rêve de changer le monde en silence. Tout va trop vite. Le monde tourne et s'égare. Mais elle est trop terre à terre, elle tient trop aux valeurs qu'elle a toujours défendu et elle reste donc en dehors de la danse. Elle regarde les choses qui se cassent la gueule les unes après les autres et elle ne peut que soupirer. C'est vrai, quelques voix noyées dans une nuée n'auraient pas un grand pouvoir. On n'arrête pas le cours du temps, pas plus que le flot de débauchés et d'originaux qui se déverse sur l'île. Pourtant la princesse est rassurée maintenant que Luciole est à ses côtés, car elle sait bien qu'il pense exactement comme elle. Un jour elle crachera son amertume et sa rage à la face du monde, et ce jour là ils vont tous trembler ! Une rage longtemps couvée n'est que plus explosive. C'est sur que ce n'est pas en criant qu'elle les déteste tous entre deux arbres avec une prairie et une fée pour seuls témoins qu'elle va faire changer les choses. Mais tant que ça soulage son cœur ça vaut peut-être déjà quelque-chose ? Elle sort un peu de ses réflexions quand Luciole grogne parce qu'elle l'a décoiffé. Ça lui arrache un faible sourire. Il n'en existe pas deux comme lui ! Il est vraiment capable de la faire rire dans des moments incongrus. C'est ça être un ami attentionné, et l'indienne n'hésiterait pas à lui rendre la pareille.
« Mais euuuuh, tu vas me faire culpabiliser...Tu sais que je serais toujours là pour toi si y a quoi que ce soit, et c'était déjà le cas avant que tu voles à mon secours. » Elle le regarde déposer une fine couche de poussière sur son bras et faire de jolis dessins avec. Elle regarde son œuvre avec des yeux de gosse émerveillée. Décidément elle est coincée entre l'enfance et l'âge adulte. Ça lui pèse beaucoup. Elle a l'impression d'être devenue bipolaire ! Ses réactions varient tout le temps. Elles vont d'un extrême à l'autre, tout le temps. Elle en est fatiguée. Elle voudrait bien se faire une petite sieste de cinquante ans et se réveiller sous un jour meilleur. Alors qu'il pose sa joue sur sa tête doucement elle essuie encore ses larmes. « Je suis complètement trempée. Je dois avoir l'air bien conne là... » Hésitant un peu elle finit par mettre ses bras autour de sa taille et le serrer contre elle. Elle est toute innocente, toute candide. Elle est Lily et elle a le plus grand des vides au fond d'elle. Elle est une princesse et tout le monde exige beaucoup trop d'elle. Elle est une jeune femme et elle n'a jamais été aussi perdue. Mais là tout de suite elle est avec un ami et elle n'a plus peur. « Tiens, rien qu'une question stupide comme "à quoi ça sert la vie?", on ne peut pas plus y répondre en grandissant. »

Elle marque une petite pause et réfléchit rapidement au cas des enfants qui grandissent. « Peut-être bien qu'ils feront des meilleurs adultes. J'espère qu'ils seront plus tolérants. Je croise les doigts. » Quand il la fait basculer dans l'herbe avec lui elle s'écrase mollement contre le sol, mais elle finit par éclater de rire. C'est un rire franc. Un rire gai. Elle sent que toute la pression qui lui encercle le cœur tend à s'échapper d'elle à chaque éclat de rire. Ils sont autant de perles dans la nuit. La nuit qui est d'encre mais la lune brille si fort. Le ciel est beau, dégagé et les étoiles sont éclatantes. Lily pose sa tête sur l'épaule de Luciole et entoure son bras comme angoissée à l'idée qu'il s'en aille. Oh, une étoile filante ! « Bien sûr que je continue de faire des vœux ! C'est parce que je dois en faire trop et que le ciel ne le supporte pas que derrière il me reprend toutes mes joies. » L'indienne soupire en serrant un peu plus fort le bras de la fée, luttant pour ne pas se remettre à pleurer comme une idiote. Écris moi des histoires ou les  fous sont des rois et ou la réalité tangue. Aujourd'hui j'ai peur de vivre, demain j'aurais peur qu'on m'oublie.

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LILY & LUCIOLE

Savoir s'entourer c'est l'essentiel quand le monde tourne trop vite pour qu'on suive son rythme. C'est bien une chose que Lily a compris au fil des années. Les responsabilités se superposent les unes aux autres et pour ne pas craquer il faut pouvoir rire, se confier, pleurer sur des épaules que l'on sait réconfortantes. Elle ne troquerait ses amis contre rien au monde. Ils comptent bien trop pour elle. Chacun d'entre eux est une pierre de l'édifice. Ils lui permettent de rester stable. Tant mieux, elle serait au sol depuis longtemps sinon. Luciole est l'un de ceux qu'elle connaît le mieux et apprécie le plus. Lui la connaît depuis le berceau. Malgré ces années de différence ils sont très semblables -bon ok, elle est beaucoup moins aigrie mais c'est un détail- et ont toujours été assez complices. Ils sont de ceux qui veulent changer le monde, qui veulent lui rendre son état d'origine. Ils sont de ceux qui protestent, de ceux qui n'ont pas peur d'être frondeurs. Et ce soir Lily proteste contre ce monde qui essaye de la briser, alors elle est contente que Luciole soit là. Sa petite fierté personnelle reste quand-même qu'on voit rarement la fée aussi réconfortante, et qu'elle peut se venter de connaître cet aspect de sa personnalité. Elle adore le taquiner avec ça d'ailleurs. Elle adore le taquiner tout court en fait. Alors elle passe encore une main dans ses cheveux et lisse ses boucles du bout des doigts, un sourire taquin aux lèvres. « T'inquiète pas dear, je suis  plus forte que la culpabilité ! » Elle attrape sa main pour jouer avec ses doigts, pensive. Les larmes commencent à sécher. Elle se sent de mieux en mieux. Tant mieux parce qu'elle doute qu'il aurait supporté son mélodrame trop longtemps. On ne change pas une petite fée sarcastique et aigrie que voulez-vous ! Pas même quand on sait qu'elle peut se montrer adorable.
Quoiqu'il en soit elle sent que le courage et l'envie de lutter reviennent en elle au galop. C'est bien ça la magie des fées. Elles sont les messagères de l'espoir et ça partout ou elles passent. « Je te jure sur les étoiles que je ne serais pas une adulte comme les autres et... » Elle est coupée dans son élan par ses doigts qui viennent se poser sur ses lèvres pour l'arrêter dans ses réflexions qui commencent à devenir trop philosophiques. Le filou ! « D’où t'as vu qu'on impose le silence aux princesses ? T'as cru que c'était la fête ? Tu ne perds rien pour attendre. » Elle tire la langue comme une gosse de trois ans sans lâcher sa main. En présence de Luciole elle sent qu'elle peut être une enfant comme une "presque" adulte, et que quoiqu'il arrive il ne la jugera pas.

Envie de légèreté. Voilà ce qu'il lui faut ce soir. Elle a besoin de rire à s'en exploser les poumons. De sourire à en avoir mal aux joues. De danser à en avoir le tournis. Ce soir peu importe l'avenir de l'île, les plumes de chef qui finiront par orner sa  chevelure qu'elle le veuille ou non et son cœur qui ne supporte pas plus de trois émotions à la fois. Ce soir elle veut être reine de la nuit. Insouciante à nouveau. « Mais carrément ! Si t'arrive à faire l'étoile filante je t'offre mon respect éternel. » Elle se  retient de partir dans un fou-rire débile. Franchement c'est dur parce qu'elle imagine la situation et dans sa tête les images sont tellement drôles ! Elle ne veut plus être triste ce soir. Il a traversé l'île pour venir la consoler, alors autant lui montrer que ça marche. « Promis c'est bon j'arrête. De toute façon les lamentations qui durent trois plombes ne résolvent jamais rien. » Elle fait un clin d’œil. Il lui est destiné, ou peut-être est-ce pour les étoiles ?

Mais son effusion de joie soudaine est perturbée par le truc le plus improbable du monde. De l'univers même sûrement. Luciole se tourne et la princesse ne se rendait pas compte d'à quel point ils étaient proches l'un de l'autre jusqu'à ce que leurs lèvres se soient rencontrées sans que ni l'un ni l'autre ne s'y attendent. Elle sursaute un peu. Elle fuit son regard, totalement. Ses yeux regardent partout ailleurs que dans les siens. Il s'éloigne. C'était vraiment bizarre. Il se redresse instantanément sur les genoux et elle imite son mouvement. Elle le regarde, à moitié hilare et gênée. Ok, très gênée quand on considère que ses joues ont viré au rouge pivoine. Heureusement qu'il fait nuit ! Faut dire aussi que la miss n'a embrassé qu'un seul garçon dans sa vie. C'était Peter et les circonstances étaient différentes. Tellement plus formelles. Son regard fait des allers retours entre le sol et...le sol. Ok, elle n'arrive même pas à le regarder normalement. « Je...C'était tellement étrange. Enfin, le prend pas mal hein ! C'est pas que...Mais voilà quoi. » Elle rit nerveusement. Ils ont l'air de deux parfaits idiots. « Cette phrase ne voulait rien dire, mais bon ! T'inquiète pas, je peux être muette comme un pirate scalpé ! » Ok, elle s'enfonce clairement dans la débilité. Elle pose ses mains sur ses genoux et les  triture nerveusement. Son regard s'attarde rapidement sur le visage de Luciole. Sur ses lèvres en fait. C'était bizarre mais, qu'est-ce que ça coûterait de recommencer ? Personne ne serait au courant de toute manière. Ce serait, un petit secret entre eux ? Alors elle bascule légèrement vers lui, complètement hésitante, mais finit par poser doucement ses lèvres sur les siennes. On a qu'une seule vie après tout !