∞ we used to be friends

Une sirène venait de quitter son territoire pour entrer sur le sien. Peter releva la tête et regarda le ciel, se demandant si c'était bien nécessaire d'aller voir de qui il s'agissait ; les sirènes n'attaquaient pas les enfants perdus et ne sortaient des eaux que pour livrer des messages. Malgré tout, son anxiété étant accrue ces derniers temps, le garçon se leva et se munit d'une branche de bois avec laquelle il s'amusait à dessiner dans la terre devant lui, assis sur ce tronc d'arbre au bord d'un feu éteint, et s'enfonça dans la forêt. Il avait l'impression désagréable de ne plus reconnaître cet endroit qui était né de son esprit des siècles plus tôt. Les arbres ne vibraient plus à son passage, les oiseaux chantaient à peine. Malgré tout, Peter Pan aimait toujours Neverland plus que tout, plus que sa propre vie, et y régnerait jusqu'au bout. Cet endroit était sien, qu'importe ce à quoi il pouvait bien ressembler. Le garçon se demanda qui avait bien pu rompre la trêve pour s'aventurer parmi les hommes, s'amusant à faire des pronostics. Ce fut finalement sur une sirène aux cheveux blonds et aux yeux bleus qu'il tomba, qu'il ne connaissait que trop bien. Elle lui sourit et il le lui rendit avec douceur. « Salut Peter. Comment ça va aujourd'hui ? »  Il croisa les bras sur son torse et regarda Sharon s'installer sur le rocher près de lui, près de l'eau. « Je vais bien, comme toujours ! Et toi, comment vas-tu ? » Un petit mensonge de rien du tout, qui n'était pas vraiment important. Les enfants mentaient, et faisaient semblant : Peter était devenu maître dans l'art du mensonge et de faire semblant. Les autres se faisaient toujours avoir, à son plus grand plaisir. Il jeta un coup d’œil à la tenue de Sharon et rit un peu. « Une véritable humaine, on n'y verrait que du feu ! Tu es allée livrer un message, je présume ? » Il n'y avait aucune méchanceté dans sa voix, malgré son ton moqueur. Elle le connaissait suffisamment pour savoir qu'il était provocateur de nature, et qu'il ne fallait pas mal prendre ce qu'il disait. Peter Pan sans provocation, ce n'était pas Peter Pan. Il fit quelques pas et s'assit près du rocher, avant de se laisser tomber sur le dos et d'écarter les bras. Il alla même jusqu'à fermer les yeux, parfaitement en confiance en compagnie de la sirène. « Tu me feras un collier comme le tien ? » demanda-t-il en riant. Il le trouvait réellement beau, et se dit qu'il irait bien à Lily, ou à Wendy qui étaient sans doutes les filles les plus féminines qu'il connaisse en dehors des sirènes et des fées. Mais malgré tout, il le garderait pour lui si Sharon daignait lui en faire un, parce qu'il aimait les cadeaux et qu'il n'aimait pas partager. Il laissa ses doigts courir dans le sable, profitant de la chaleur et de l'odeur de l'embrun et du sel, du vent léger qui léchait leurs visages parfaits. « Ça faisait un moment que je ne t'avais pas vue. Tu es occupée en ce moment ? » A moins que ce ne soit moi qui sois trop occupé pour m'occuper de tout le monde, pensa-t-il avec culpabilité. Tinkerbell se sentait mise à l'écart, Jenny aussi. Lily lui reprochait elle-même de ne venir la voir que pour discuter politique. Si les personnes dont il était le plus proche déclaraient se sentir rejetées, qu'en était-il des autres ? Peter n'aimait pas qu'on le confronte à ses torts, déformation professionnelle sans doute. Ne pouvaient-ils pas comprendre, tous, qu'il ne les laissait pas à l'écart par plaisir ?