Scène une, 1928.
Les deux amants se serrent la main. Ils se transmettent autant d'amour qu'ils peuvent, ils ne sont pas mariés, ils ont à peine 20 ans, mais ils sont fous l'un de l'autre. Certains les trouveront jeunes, d'autres pas assez expérimenté, mais personne n'a le droit de les juger. La guerre a fait beaucoup trop de ravage dans les coeurs, elle a décimé à elle toute seule les deux familles, parents, frères, soeurs, oncles, tantes... Ils sont seuls au monde.
Le premier cride l'enfant résonne dans la pièce, rien ne les avait préparés à un tel bonheur. Le visage pâle, la femme prend son enfant dans ses bras. « Adella. » Comme sa soeur cadette. Elle tend l'enfant à son mari et s'endort. Ils sortent de la chambre, mais même les années d'étude qu'il suivait n'aurait pu lui faire comprendre que la tâche de sang était bien trop grande pour un premier accouchement. Il ne le comprit que trop tard.


Scène deux, 1935.
Assise au milieu d'enfant plus jeune qu'elle, Adella observe celle qui les surveille. Elle semble débordé, les gosses sont entassés dans la petite pièce et tout le monde se bat pour obtenir un des biberons que la nourrice improvisée sert. Addy ne cherche même pas à s'en approcher, elle sait qu'elle sera violemment repoussée par la dame qui préférera donner aux autres. Elle si gourmande, c'est un véritable calvaire. Du haut de ses six ans, c'est un véritable enfer, pourtant elle sait qu'elle ne manque de rien, son père paye toujours la dame qui est aussi leur voisine, il règle le loyer, la nourrit et l'habit. Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'il s'endette de jours en jours pour lui faire plaisir. Un si jusqu'à ses sept ans, sa vie se déroula ainsi. Il la déposait chez la voisine, partait travailler dans une minable troupe de cirque où il était le médecin de la troupe et ne revenait que tard le soir après chaque représentation, tellement épuisé, il n'adressait aucun mot à sa fille et la laissait dormir.
Jusqu'au jour où d'un geste brusque, il entra, sans crier garde et attrapa Adella. Il sortit de sa poche quelques livres et les fourras dans la main de la nourrice. « Nous ne reviendrons pas. »
Ces quatre mots changèrent toute leur vie. Sans en dire plus, ils rentrèrent chez eux, prirent quelques affaires et marchèrent jusqu'à un bateau où attendait une dizaine de personnes. « On va où ? », il l'observa quelque minute avant de lui offrir un des rares sourire qu'il lui donnait. « À Neverland Addy. »

Scène trois, 1935.
Son père marche devant elle, elle le regarde rire au milieu d'autres habitants de Rivebois, il ne fait pas attention à elle. Il n'a jamais fait attention à elle. La vie à Rivebois était bien meilleure, son père occupait toujours le poste de médecin mais il était bien mieux payé, il était beaucoup plus apprécié. Ils auraient pu vivre une vie paisible, douce et toujours d'amour. Mais ce ne fut jamais le cas. Elle n'avait que sept ans et était déjà confronté à des sentiments d'adultes : la haine, le rejet, la souffrance, la solitude. Mais elle ne pouvait pas en vouloir à son père, elle lui avait volé la seule chose qui comptait pour lui : l'amour de sa vie, Kathleen.
Si bien que lorsqu'elle s'arrêta sur le sentier qui menait au village, personne ne s'en aperçut, peut-être s'en sont-ils rendu compte en arrivant, elle ne su jamais. Bercé par le son de la flûte, elle savait exactement où allé. Elle était rentrée dans une transe et n'en sortit qu'en arrivant à sa destination : La cabane de Pan.
Depuis, la petite fille s'est très vite attachée aux enfants perdus. Elle leur a juré fidélité depuis qu'ils la protègent et elle donnerait la vie pour eux. Elle pense rarement à son père, du moins elle essaye d'oublier, quand elle n'est pas obligée de guérir les bobos de ses camarades : elle est bien obligée de se souvenir de ce que son père lui faisait à elle-même. Ils sont rapidement devenus son unique famille.