Je m'étais fustigée à de nombreuses reprises, sachant que c'était mal ce que je faisais, que je mettais mon peuple en danger. Je me rappelais très bien des recommandations de ceux qui savaient, tandis que d'un autre côté le soutien de Perséphone me faisait chaud au coeur. Cependant je ne pouvais pas faire autrement. Zick restait et restera toujours mon enfant perdu et maintenant qu'il est adulte, il est seulement devenu un adulte perdu. Je veux croire qu'il a toujours besoin de moi, autant que j'ai besoin de lui. Même si je ne fais qu'aller le voir de temps en temps, ça ne peut pas continuer comme ça, ou sinon, cela va me détruire...

J'avais donc pris mon courage à deux mains ce soir-là et m'était décidée à rejoindre son habitation. J'avais traversé le terrain qui me séparait de lui le plus discrètement possible, je n'avais pas envie de trouver une explication pour ma présence en ces lieux aussi tard. Surtout je n'étais pas sure d'en trouver une valable et logique. J'avais donc gardé ma taille de fée, passant inaperçue car ayant revêtu une petite robe couleur bois. Je me rapprochais de chez lui, tentée par faire demi-tour à chaque battement d'aile, mais il le fallait.

Je finis par arriver et me faufilait par sa fenêtre entrebâillée. Il dormait. J'avais l'impression de le retrouver, même s'il avait grandi. Je m'installais sur la tête de lit et l'observait, ne pouvant m'empêcher de le trouver beau. Alors qu'il changeait de position, je ne pus m'empêcher de sursauter, ce qui me fit choir de mon perchoir et tombais dans son lit. Alors que j'essayais de me dépêtrer des draps, il se tournait à nouveau menaçant de m'écraser et je ne pus m'empêcher de montrer ma présence.

- Zick !!!

Pour plus de sûreté, je pris taille adulte, me retrouvant collée à lui, mes joues se tintant d'un beau rouge pivoine, qui montrait ma gêne. Je fis un geste pour me lever et me sortir de cette position assez... confortable certes, mais perturbante. Je ne savais pas ce qu'il pensait de ma venue ici et surtout de comment je m'étais retrouvée là.

- Désolée... Je te regardais dormir et alors que je réfléchissais, ben, je suis tombée...

Je baissais la tête, évitant son regard, ne voulant pas trop connaître sa réaction.

Je n'avais absolument pas prévu de me retrouver dans cette situation. Je ne savais pas vraiment comment tout cela allait se finir, mais j'espérais rester en vie jusqu'au matin. C'était pourquoi j'étais devenue adulte, ne voulant pas mourir écrasée sous lui. J'avais l'art de me mettre dans des situations pas possible. Enfin, mon cris avait au moins réussi une chose : le réveiller. Même si à voir sa tête, le terme de zombi conviendrait mieux. Enfin, toujours est-il qu'il mit un moment à émerger et j'essayais de lui laisser le maximum de place. Pas facile avec nos tailles respectives.

Lorsqu'il me dit que c'était dangereux, j'esquissais un sourire contrit, comme si j'avais fait exprès ! Enfin, je n'avais rien contre me retrouver contre lui comme ça, mais pas en ayant une telle frayeur. Cependant, il vient rapidement sur un sujet glissant en me demandant si je n'avais pas d'autres arrières pensées. Certes, il m'arrivait d'en avoir, mais là était pur accident. Cependant je ne pouvais m'empêcher de rougir sous cette demande qui malgré tout me touchait plus que je ne l'aurais voulue. Heureusement que je pouvais sans problème le faire passer pour une simple envie de le retrouver et de faire comme avant. Quand il me laissa un peu de place, je m'installais un peu plus confortablement, essayant de ne pas me laisser distraire par son odeur et sa chaleur contre moi. Quand il bailla, j'eus un sourire nostalgique, il était resté le même. La question suivante par contre me tira une grimace. Je ne connaissais pas la réponse...

-J'espère que non... Si oui, je trouverais bien une excuse ! J'avais besoin de te voir. Tu me manque.

Ma voix vibrait des émotions que je contenais. Bien sûr, j'avais par accepter -contrainte et forcée- son départ, mais son absence me pesait. Alors malgré tout les problèmes que j'aurais pu avoir, j'étais venue. J'avais besoin de le retrouver, de comprendre... J'essayais de retrouver un peu de gaieté pour enchaîner, même si ça n'y était pas vraiment.

- Tu te plais ici ? Ça te manque pas trop...

Non pas de question comme ça ! Je m'étais promis de ne pas le faire culpabiliser ou regretter son geste. Il aurait à vivre avec tout le temps maintenant. Hors de question de le blesser...

Il me manquait ! Peu importe qu'il soit adulte et que j'ai des problèmes. Le voir était presque aussi douloureux que de ne pas le voir. Mais je savais tout de même ce que je préférais des deux. Le voir, quelle que soit ma douleur. C'était ma plus grande joie que de le voir heureux, même si je ne faisais plus autant parti de sa vie. Et je vis que ma peine n'avait pas été totalement cachée et je m'en voulus. Je ne voulais pas lui renvoyer encore tout ça, mais malheureusement je n'arrivais pas encore à faire ce deuil. Sauf que ses paroles pensèrent un petit peu ma blessure et me donnèrent envie de... l'embrasser. Je me retins parce que je ne pourrais pas atteindre sa joue. Ma position, tout confortable qu'elle soit, m'empêchait de bouger comme je le voulais. Même si il était attirant.

Petit à petit pourtant j'apprenais sur son monde et je découvrais des choses nouvelles. Plein m'étaient inconnues et incompréhensibles, mais je reconnaissais certaines. Pourtant, je n'arrivais pas à voir si c'était "mieux" que de rester enfant. Cependant je commençais à comprendre ces différences et à savoir pourquoi les enfants grandissaient. Mais pas pourquoi ils voulaient grandir... Je voulais comprendre ! Car cela voulait dire le comprendre lui et peut être accepter. Dur... oui c'était le mot. J'avais souvent l'impression qu'ils souffraient plus que les enfants. Il se remit à parler des derniers temps avant qu'il ne prenne sa décision.

- Je me souviens... Tu avais tellement de questions ! Et moi si peu de réponses. J'en aurais quelques unes, mais pas toutes. Et toi ? Tu as pu les obtenir ?

*Et en être satisfait ?* Je ne posais pas cette question, même si j'aurais voulu savoir s'il avait trouvé sa voie. Sa phrase à propos de ce qu'il faisait me fit me relever un peu. L'avenir ? Ah bon...

- Tu lis l'avenir ? Depuis quand ?! Tu fais comment ?

J'étais curieuse ! Jamais il n'avait parlé de ça et moi non plus... J'étais très étonnée et je voulais savoir ce que ça voulait dire. Tout ce qui le concernait me donnait envie de savoir.

Il avait tellement cherché à savoir, tellement de questions sans réponses que je finissais par sentir que c'était ça finalement son futur : grandir. Cela faisait mal ! Très mal, mais il fallait bien l'accepter. J'avais fini par le faire, mais je voulais savoir. Savoir s'il avait enfin réussi à répondre à ses questions et qu'il avait eu "raison" de nous quitter. Je ne sais pas s'il y avait une quelconque raison derrière tout cela autre que des réponses, mais je savais une chose : c'était totalement irréversible. Cela m'attristait au plus haut point. J'aurais préféré qu'il y ait d'autres solutions, mais je n'en avais pas et il faudrait bien que je fasse avec. Et petit à petit, je le faisais, de mon mieux, et je l'aimais toujours autant, mon petit Zick. Sa réponse n'était pas forcément celle que j'attendais, mais au moins il semblait heureux ici, c'était l'essentiel. Je hochais donc la tête, cachant mon regard triste.

Je me redressais sur un coude alors qu'il me proposait de me montrer ce qu'il faisait. Je me demandais bien sur de quoi il s'agissait, regardant avec attention ce qu'il faisait. Alors qu'il me tournait le dos, j'essuyais une larme traîtresse qui avait fini par couler le long de ma joue. Il commença alors à m'expliquer et j'avais l'impression de revoir quand il était enfant, mais rien d'autre que cela. J'étais intriguée mais ses réponses n'apportaient pas plus de réponses. Je me relevais, m’asseyant dans le lit, non sans quitter des yeux ses mains qui disposaient habilement les cartes sur le lit. Alors qu'il commençait à poser d'autres questions, je frissonnais. Je comprenais où il voulait en venir. Ma main se porta à sa joue tandis qu'il avait peur de poser LA question.

- La croyance ou les rêves ne sont pas réservés aux enfants. Peut-être que tu es différent et que tu continueras à changer, mais tu restes un enfant perdu. Et jamais, tu m'entends ! Jamais, je ne te laisserais tomber. Tu pourras croire, parce que rien n'effacera ce que tu as été. Pas même grandir.

Je ne parlais pas de Jesse, le pirate de Persé, mais c'était à lui que je pensais tout en essayant de le convaincre d'y croire et qu'il continuerait de croire malgré tout. Pourquoi si un adulte "normal" pouvait y croire, un ancien enfant perdu perdrait la foi et la croyance ? Non je ne pensais pas qu'il en serait de même pour Zick. Mais j'avais peur ! J'avais très peur. Parce que je savais que s'il arrêtait d'y croire, de croire en tout cela, en moi, j'en mourrais. J'étais beaucoup trop liée à lui pour que cela ne me touche pas au coeur. Je me reconcentrais sur les cartes qu'il dévoilait enfin et laissais retomber ma main tandis que lui aussi se détournait de ces pensées-là.

- Et toi ? Est-ce que ça change quelque chose de rêver sans images ? Cela n'empêche pas l'imagination. Et c'est cela non, Neverland, un rêve ?

Les choses étaient tellement différentes entre les enfants et les adultes. Ils se posaient tellement de questions et voyaient les choses tellement différemment... Mais cela ne changeait pas ce qu'ils étaient. Ils restaient eux-mêmes, tout en évoluant. Je dirigeais mon regard sur la première carte. J'aimais beaucoup les teintes et les dessins que je trouvais magnifiques. J'attrapais doucement la première, effleurant sans le faire exprès et en cachant du mieux possible le frisson qui m'avait traversé. La première était le bateleur (en espérant que cela corresponde à celles que tu avais en tête).

- Alors comment commence ton histoire ? Quelle est cette carte ?

Je me demandais ce que serait cette histoire, comment intervenait ces cartes là-dedans... Que faisait-il exactement ?