Ce matin en me levant je fus prise d'une certaine mélancolie. Je ne savais pas ce qui m'arrivait, mais je sentais comme un manque. Le manque de quelque chose ou quelqu'un, je n'aurais su mettre des mots exacts là-dessus. Alors que je me préparais pour commencer une nouvelle journée, je commençais à comprendre. Une amie que je n'avais pas vue depuis quelques jours me manquait et avec un peu de chance j'arriverais à l'attraper avant qu'elle ne quitte l'arbre.

Car oui, cela faisait plusieurs jours que nous ne faisions que nous croiser. Il faut dire que j'allais voir Zick, que je m'occupais des enfants perdus... tandis qu'elle voyageait, disparaissant je ne savais où. Bien entendu, c'était notre vie ! Mais sa présence à mes côtés et son amitié sans faille me manquaient. J'allais donc chez elle après avoir rapidement fini de me préparer -pas question de la rater. Je toquais attendant qu'elle m'ouvre et espérant qu'elle soit là. C'est avec un grand sourire, les mains dans le dos cachant un sac de cookies -autant discuter en grignotant- que je vis la porte s'ouvrir sur mon amie.

- Bonjour ! J'apporte le petit-déjeuné.

Je brandis alors fièrement mon paquet de cookies, fabriqués moi-même, devant ses yeux. J'espérais qu'elle ne me dise pas non aussi je l'enlaçais en lui disant qu'elle m'avait manqué.

J'avais eu peur qu'en arrivant chez elle après tout ce temps, elle me fasse la gueule ou me dise qu'elle avait autre chose à faire, mais mes inquiétudes furent balayées par sa joie visible. Quand elle me vit et alors que j'allais la serrer dans mes bras, elle me sauta elle même au cou. Je retins un soupire de soulagement. J'étais tellement heureuse moi aussi ! De la voir, de voir qu'elle n'était pas mécontente de notre séparation... Tant de chose en même temps ! Elle me fit entrer et c'est avec un grand sourire que je le fis. Je connaissais bien sa cabane, comme elle connaissait la mienne. Nous n'avions pas de secret pour l'autre et notre amitié faisait que jamais nous ne jugions l'autre. Nous nous soutenions là où nous savions que d'autres auraient dit des choses à ce sujet. Personne ne pouvait réellement comprendre, car personne ne comprendrait notre attachement à un adulte.

J'éclatais de rire quand elle me dit qu'elle avait faim et surtout en voyant mes cookies. J'aimais bien cuisiner et souvent je le faisais aussi pour les enfants, ce qui me prenait beaucoup plus de temps au vu de la taille finale des cookies. Là ils étaient simplement à notre taille. Je m'installais attrapant une assiette sur la table pour y verser les cookies et rangeais le sachet, tandis qu'elle nous préparait à boire.  Ses paroles ensuite sur notre séparation me firent un petit pincement au coeur. Je ressentais la même chose et me promis de ne pas laisser passer autant de temps la prochaine fois ! Plus jamais. Je lui rendis son étreinte et a travers elle tout ce que je ressentais aussi. Elle me proposa alors de l'accompagner un jour pour faire le tour de l'ile, découvrir de nouvelles choses. Elle verrait surement des choses que je ne voyais pas et peut-être même lui ferais-je découvrir quelques trucs.

- Avec plaisir ! Je suis sure que je suis passée à côté de beaucoup de chose lors de mes propres petites excursions.

Etre une gardienne ne voulait pas dire ne pas être curieuse. J'avais souvent visité Neverland, toujours en solo. Je ne me lassais jamais de cette île et avait hâte de voir ce que cela pouvait donner. Elle me parla alors à nouveau de son "petit" protégé. J'eus un sourire, je pouvais comprendre ça. Même si personnellement j'avais un peu de mal à associer le mot adorable avec pirate. Mais j'avais pu voir de mes propres yeux que cela existait. Malheureusement c'était bien caché. Je ris moi aussi un cookie et commençais à le manger avant d'ajouter.

- Je n'attends que ça de pouvoir le rencontrer ! Tu m'en as tellement parlé que j'ai l'impression de le connaître.

Je la remerciais alors qu'elle complimentait mes cookies. Je faisais toujours fureur avec ces derniers, même si j'essayais qu'il n'y devienne pas accros. Surtout les enfants ! Cela me prenait un temps fous de les préparer alors je n'allais pas le faire tous les jours. Mais cela me faisait toujours plaisir qu'ils plaisent.

- Faudrait aussi que tu viennes voir Zick... Il n'a pas tellement changé tu sais ! Au fond, il est resté ce petit garçon, même s'il a grandi. Ça sera surement plus facile pour toi de t'absenter du camp...

En tant que fée voyageuse, elle pouvait plus facilement aller et venir sans qu'on lui pose de question. Moi, je devais toujours faire attention à ne pas manquer à l'appel et à ce qu'on ne voit pas où j'allais. C'était toujours un parcours du combattant que de le rejoindre et je devais aussi ne pas me faire voir des autres adultes, plus par méfiance qu'autre chose. Cela me ferait plaisir qu'elle aussi m'accompagne. On trouvera surement une excuse pour mon absence, il y en avait toujours et les autres fées n'iront pas imaginer que nous ne ferons pas ce que nous avions dit.

- Il faut qu'on se prévoit ça rapidement, avant d'être à nouveau entraînées dans nos occupations... C'était possible, mais j'allais essayer de ne pas le faire. - Ça se passe comment avec lui ? Je veux dire qu'il n'était pas un enfant perdu à la base...

Il n'avait pas eu l'habitude d'avoir une -ou plusieurs- fée à ses côtés pour le protéger, lui faire découvrir ce monde et veiller sur lui. Enfin d'après ce qu'elle m'en disait tout se passait pour le mieux. Mais malgré tout, si jamais il venait à la faire souffrir, il aurait affaire à moi.

Comme quoi, même un peu de distance n'effaçait jamais une amitié ! Bien sur, nous avions hésité, cherché nos marques, mais au final, nous nous étions retrouvé rapidement. J'étais contente de la revoir. Je voulais vraiment voyager avec elle à travers Neverland quelque soit la raison de cette escapade. Rencontrer son ami était en tête de liste bien sûr et lui faire revoir Zick l'était aussi. Mais toute autre proposition était la bienvenue. L'entendre parler de la possibilité de jouer les pirates et de découvrir des trésors m'enchanta et je mêlais à nouveau mon rire au sien. Quelle idée ! Mais elle était excellente et nous donnais un bon amusement.

- Avec plaisir pour une petite chasse au trésor ! Il y a tellement de coins et de recoins...

Elle se mit ensuite à parler de Jesse, une fois de plus, mais cela ne me dérangeait pas. Je connaissais son intérêt pour ce pirate adulte et je n'allais rien dire contre sachant que j'étais la protectrice d'un adulte. Je fus contente d'entendre qu'il n'était pas contre nous les fées : un bon point ! Je connaissais les pirates, un peu, et je connaissais cette histoire d'honneur... Idiot à mon avis ! Ce n'était pas pour une histoire de croyance ou d'appréciation qu'il fallait juger un homme mais par ses actes. Parfois les adultes étaient ennuyants.

- Je le souhaite de tout mon coeur ! Il y a toujours une exception à la règle.

C'était ce que je pensais réellement, il y avait toujours une exception qui confirmait la règle et j'espère vraiment qu'il était celle là. Elle rebondit alors sur ma proposition d'aller voir Zick et j'en fus heureuse ! Elle ne lui en voulait pas et j'étais heureuse d'avoir quelqu'un sur qui compter. J'étais aussi heureuse qu'elle propose de me couvrir et de faire la poste pour nous. Je lui offris un sourire des plus grands pour la remercier ! J'étais vraiment trop heureuse. Je savais qu'elle prenait quelques risques, mais surtout elle m'en évitait un grand nombre.

- Merci ! Oui quoi qu'il arrive, il reste mon enfant. Rien n'a changé. Je ne peux pas me passer de lui et je n'arrive pas à l'oublier ou à me passer de sa présence. Je n'imagine pas le laisser tomber. Malgré tout ! J'eus les larmes aux yeux par tout ce qu'elle me disait. Je tenais à elle plus qu'à quiconque -si on excluait Zick, mais c'était différent. Pour toi aussi, je ferais tout ! Je serais là quoi qu'il arrive. Je te soutiendrais. Toi aussi tu n'as qu'à demander. Et encore j'espère que ce ne soit même pas nécessaire !

Il n'était parfois même pas nécessaire de parler pour se comprendre et s'aider. Cela se voyait ! Il suffisait d'être là pour l'autre et ça je le serais toujours pour elle. Envers et contre tout. Cependant ses propos au sujet de Jesse m'inquiétèrent. Je ne pus m'en empêcher. Il me rappelait un pirate que j'avais rencontré : impossible à réellement cerner. Sauf que là c'était une autre histoire, il risquait de la blesser bien plus que simplement physiquement.

- Les adultes sont bien plus compliqués que les enfants et leurs émotions sont bien plus profondes et puissantes, j'ai l'impression. Ils sont plus difficilement cernables et il est difficile d'enlever des idées de leur tête. Je ne peux qu'espérer que tu réussisses à... le dompter. J'eus un très léger sourire pour lui prouver que c'était sincère, mais il ne réussit pas à cacher mon inquiétude. J'eus ensuite un soupir en entendant sa question sur l'amour. Si seulement je savais... Je ne sais pas quelles sont les indices... Même si j'ai l'impression que c'est un peu comme ce que nous ressentons pour nos protégés. Y a-t-il une étape au dessus ? J'en ai parfois l'impression...

Ce que je ressentais envers Zick était bien plus fort que ce que je pouvais ressentir pour lui quand il était enfant. Je ne savais pas où était réellement cette différence, tout ce que je savais, c'était que c'était différent.

- Parfois je me demande si... avec Zick... Enfin, j'ai l'impression d'en être au même point que toi ! Crois-tu que nous aurons des réponses ?

Je ne pouvais que comprendre le point de vue de mon amie et y adhérer totalement. Je veillais sur un enfant maintenant devenu adulte et qui pourtant restait toujours un peu un enfant dans son cœur et âme. Je ne demandais rien de plus à la vie, à part peut être que cela dure toute ma vie et à Neverland, cette vie serait éternelle, tant qu'il y aurait quelqu'un pour croire en moi. Je souhaitais de tout mon cœur que ce soit lui qui croit éternellement en moi. Il n'y avait presque qu'une chose que je regrettais, ne pas être une sirène et pouvoir abandonner cette vie de fée pour continuer à être à ses côtés sans être jugée et qu'on ne m'empêche de le voir. Or je restais une fée et jamais je n'abandonnerais cet arbre ou Peter Pan. Mais je resterais tout autant fidèle à cet enfant, car à mes yeux il restait un enfant à protéger et à chérir. Rien n'avait changé depuis l'époque où il était arrivé sur l'île et que nous nous étions rencontrés... A part peut être sa taille ! Ma cela ne faisait aucune différence à mes yeux, malgré tout ce que pouvaient penser les autres. Elles ne comprenaient pas, ne pouvaient comprendre ce lien qui liaient un enfant à une fée, lien qui ne pouvait être rompu que par l'absence de croyance de cet enfant, s'il venait un jour à tourner le dos à sa fée. Je n'osais penser à une telle possibilité car cela voudrait certainement dire que je mourrais. Un terrible avenir, mais qui me semblait moins terrible que de le perdre.

Nous parlâmes alors de nos prochains amusement, une rencontre avec son Jesse et une chasse aux trésors. Rien de mieux pour rendre heureux n'importe qui, moi en tout cas ! Son compliment alors me fit avoir un grand sourire emmietté de cookies et battre des ailes. Je t'adore ! Cela venait du fond de mon petit cœur fragile qui s'était envolé à l'entente de ses mots. Je l'adore et je ne me voyais plus passer autant de ton en son absence. Non plus jamais autant de distance et plus d'excuses pour l'expliquer. Et pour cette simple et unique raison, je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter de sa relation avec Jesse et de ce que cela pourrait entraîner sur ma meilleure amie. Non, je ne supporterais pas qu'il lui fasse du mal, autant qu'il s'attaque directement à moi, cela reviendrait du pareil au même pour moi. J'espérais juste que ça n'arrive jamais et qu'elle puisse être heureuse avec lui. Je ne parlais pas d'amour, mais vraiment d'être juste heureux, le reste était une autre question qui vient bien assez vite. Mais avant cela, je parlais de dompter son protégé, le premier terme qui m'était venu à l'esprit et qui me semblait des plus correspondant. J'éclatais de rire alors qu'elle me le décrivait comme encore plus borné qu'elle. Oui c'est vrai que sur ce point là, il m'impressionnait et gagnait mon respect. Pour être plus borné encore que Persé, il fallait se lever tôt. C'était peut être aussi pour ça qu'ils allaient aussi bien ensemble ! Je ne pensais pas non plus qu'il était possible de faire plus borné que toi ! Si tu lui fais confiance, alors je lui fais aussi confiance ! Je suis sûre qu'il n'y a que toi pour pouvoir le changer et le rendre heureux, puisqu'il n'y a que toi apparemment pour considérer cet avenir comme possible. Je crois en toi et en ta capacité à le rendre meilleur. C'est aussi un peu notre rôle ! Nous étions là pour les enfants et par eux. Nous les accompagnons, les amusions, les consolions, mais aussi les guidions. Nous étions tout ce que des parents n'avaient pas pu offrir à ces jeunes qui n'avaient pas choisi leur famille mais nous avaient rejoint pour un avenir meilleur. Nous pouvions le leur offrir et s'il y avait plus de travail pour un adulte, pourquoi ne pourrions-nous pas aussi leur montrer la voie ? Les guider ? Ils n'étaient pas tellement différents que les enfants perdus, juste plus... dangereux !

Elle posa alors question de l'amour. Je ne l'avais jamais ressenti, enfin pas pour un homme et encore moins pour un humain. Alors je ne savais pas vraiment quoi lui répondre, j'étais totalement perdue. Je n'étais même pas sure que les humains eux-mêmes puissent répondre à ce qu'on peut ressentir quand on aime quelqu'un. Néanmoins, je sentais moi aussi des émotions totalement différentes de quand il était seulement un enfant. Je ne savais pas trop alors comment réagir et me confier à elle avait été la meilleure idée que j'avais eu à ce sujet. Je lui racontais ma perplexité quant à cet état et le fait que je pensais être plus ou moins dans la moindre situation qu'elle. Elle me parla alors de ses propres sentiments et étonnement je me retrouvais dans sa description. Etait-ce ça l'amour ? Je l'ignorais totalement et n'étais pas sûre que cela suffise à dire si oui ou non je l'étais, mais cela me donnait une idée. Je l'écoutais alors, comment lui dire que j'étais un peu pareille, même si je ne me laissais pas totalement aller à tout cela, parce que je sentais qu'un jour tout s'arrêterait. Comment lui confier ce que je voulais tellement mais que je ne pouvais avoir ? Je ne trouve pas que tu sois folle... Bien au contraire ! J'aurais aimé t'aider à comprendre tout cela, mais je suis surement encore plus perdue que toi. Je ressens aussi toutes ces choses là, j'ai l'impression qu'une partie de mon cœur reste avec lui à chaque fois que je le quitte. J'ai l'impression que ce qu'il en reste se consume à attendre le moment où je pourrais le revoir, même sans être avec lui... Mais malgré tout... c'est différent. Il reste le petit garçon qu'il était en arrivant à Neverland et je n'arrive pas à m'enlever ça de la tête, à comparer tout ça ensemble. Je n'y arrive pas et en même temps j'ai l'impression que tellement de choses ont changé depuis cette époque là. Je ne savais même pas mettre des mots sur tout cela, mettre des idées sur ce que je ressentais et qu'au fond je pensais ne pas pouvoir -avoir le droit de- ressentir. C'était tellement plus simple quand on était encore enfant, toutes ces questions ne se posaient pas ou trouvaient une réponse des plus simples. Je l'aimais oui, mais à quel point allait cet amour ? A quel point était-il condamnable ? Je soupirais et lançais un regard triste à Persé, je n'avais pas de réponses et apportais mes propres questionnements. Désolée de ne pas avoir de réponses miracles, tout serait tellement plus simple !

Je détournais le regard, ma main allant attraper le dernier cookie sur la table et le regardais d'un air rêveur. Un sourire vint alors illuminer mon visage et mon regard tandis que je le coupais en deux et offrais une moitié à mon amie. Si seulement tout pouvait être aussi simple que ça, mais il n'y avait qu'à le vouloir et à le faire devenir. Pourquoi se prendre la tête alors que la réponse n'avait qu'à être demandée, dite pour être comprise et entendue. Puisqu'aucune de nous n'a la réponse, il faut la demander ! Quelqu'un l'aura surement et pourra nous la donner. Et puis pour l'amour, il vaut mieux être deux et autant le demander à l'autre aussi ! Non ? Ca serait plus simple de partager ses peurs que de les garder pour soi, qu'en penses-tu ? Enoncé comme ça, cela paraissait si simple, il ne restait plus qu'à agir pour que tout le devienne...