∞ something to tell you

« Ben, c’est vrai que ta réaction m’a un peu blessée, je vais pas te mentir mais en même temps, je t’avais pris au dépourvu ! C’est plutôt moi qui devrait m’excuser ! » Peter haussa les épaules faiblement. « C’est vrai, je ne m’y attendais pas. » Comment avait-elle réussi à cacher ça pendant aussi longtemps sans qu’il ne voie rien ? « Quoi ? Toi, faire du mal aux autres ? Mais n’importe quoi ! Au contraire, tu fais tout pour nous rendre tous heureux ! Tu es à la fois le grand frère, l’ami, le confident, le chef mais aussi le protecteur ! C’est qui a osé dire que tu étais doué pour faire du mal aux gens ? Il ferait mieux de s’acheter un nouveau cerveau ! » Peter éclata de rire et plaqua sa main sur sa bouche, avant de se reprendre. Les quelques mots de Jenny avaient suffi à lui rendre le sourire alors que son humeur s’était pourtant dégradée. Depuis quelques temps, il ne riait plus autant qu’avant. Quelque chose changeait en lui, il avait la sensation dérangeante de devenir … Gris. Terne. Et sombre. « Les pirates adorent répéter que je suis un tortionnaire qui garde les enfants de force ici. N’est-ce pas vrai, après tout ? » Plongé dans ses pensées, il se demanda si c’était le cas ou non. Les manipulait-il par pur égoïsme, dans le but de ne plus être seul ? « Mais au fait, tu ne m’as jamais parlé de ton passé, avant Neverland ! Toi tu connais le nôtre à Drew et moi mais moi, je ne sais rien du tien ! C’est de là que t’as du mal avec le sentiment « amour » ? » Son sourire s’effaça aussitôt de son visage et il eut l’impression qu’on lui donnait un coup de poignard dans le cœur. Peter se rassit et appuya ses bras sur ses genoux relevés, yeux rivés au loin. « Je ne me souviens de presque rien. Rien d’intéressant … » Des images et des sensations, voilà tout ce qu’il restait de son passé. Le froid, la boue, la douleur, la tristesse … Sa maison qui sentait la mort et la maladie, des gémissements désespérés, un abandon. « Bon, pour l’idée, je ne pense pas que ça va te plaire mais c’est toi qui a demandé à ce que je te le dise ! Voilà, euh … On pourrait peut-être faire semblant ! » Cette fois-ci, Peter ne réussit pas à être enjoué, ni même à faire semblant. Jenny avait abordé le sujet douloureux. Il se releva et secoua la tête, avant de passer ses mains sur son visage. « Marchons un peu, d’accord ? » Il serait volontiers parti seul, mais il ne voulait pas la blesser davantage. Peter s’enfonça davantage dans la forêt, lui laissant ainsi le choix de le suivre ou non. « Je n’y arriverai pas … C'est au dessus de mes forces Jenny, je ne veux pas comprendre, je ne veux pas souffrir ... » souffla-t-il en guise de réponse à sa proposition. Faire semblant, ça signifiait déjà en être capable. Et lui ne l’était pas, pas encore. Il claqua des doigts et tous les deux s’élevèrent doucement, bras écartés. Quand ça n’allait pas, Peter aimait voler. Ne plus toucher terre.

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C’est parce que t’as jamais eu quelqu’un pour te l’apprendre, t’encourager à persévérer et ça fait si longtemps, je pense que c’est normal que ça te fasse peur ! Tu n’as sans doute pas connu autre chose que ça et ce qui est nouveau t’effraie peut-être ! Mais perds pas espoir ! Quand tu te sentiras prêt, tu le sauras et ça viendra tout seul ! Peter cligna des yeux et avala sa salive avec difficulté. Elle avait sans aucun doute raison, et c'était bien là ce qui l'effrayait plus encore que le reste ! Ils perdirent un peu d'altitude et il s'efforça de rester concentré afin que tous deux ne s'écrasent pas sur le sol comme deux pauvres insectes. Il serra les dents et se déplaça en attirant Jenny par la main, jusqu'à cet arbre sur lequel il aimait s'asseoir pour réfléchir. Depuis cette branche, ils avaient une vue imprenable sur  la crique des sirènes et l'île du Crâne. Un spectacle d'une beauté à couper le souffle, qui semblait pourtant se ternir avec le temps. Le paysage lui-même semblait bien moins joyeux qu'auparavant, souffrant de l'arrivée des adultes autant que lui. Il s'agissait bien là de la preuve même que Peter et Neverland ne faisaient qu'un. Il n'était rien sans son pays imaginaire, et Neverland n'était rien sans lui. « Chacun se protège à sa manière, n'est-ce pas ? Les choses étaient si simples ici, avant … Nous n'avions même pas à penser à nous protéger. Et puis Hook est arrivé … Les Darling, vous les filles et le cirque ... » Il planta ses yeux verts dans les siens. « Je ne regrette pas l'arrivée des filles au camp, elles égayent notre quotidien. Et je n'aurais pas eu la chance de te rencontrer … Mais les choses n'auraient du pas se passer comme ça. J'ai vraiment peur de ce qui va arriver, Jenny. » Peter faisait rarement part de ses inquiétudes. Tinkerbell, Lily, Jenny et Wendy étaient certainement les seules à les connaître, avec Candice Dean à présent. Il n'aimait pas passer pour un faible alors qu'il était celui qui avait instauré les règles du jeu. Ça lui paraissait inadmissible. « Mais qu'importe, l'heure n'est pas aux lamentations. Se plaindre ne changera rien. » Peter sourit et s'étira en lâchant les rebords de la branche, parfaitement à l'aise malgré la hauteur et le peu d'équilibre qu'ils avaient sur une telle partie de l'arbre. C'était son environnement, c'était lui qui décidait si il tombait ou non. Et même si il tombait, il avait encore la force de voler ; un miracle selon lui. « Drew et toi, vous êtes vraiment heureux ici ? Heureux au point de rester à Neverland pour l'éternité encore ?» L'éternité n'existait plus. Ils allaient devenir adultes, vieillir et mourir. Mais voulait-ils le faire ici, ou dans leur monde ? L'idée même de les voir partir, comme Wendy, lui était insupportable. Il ne pouvait se résoudre à voir ceux qu'il aimait le plus loin de lui. Caprice égoïste d'enfant gâté ; des jouets lui appartenant que Peter ne voulait égarer, des frères et des sœurs qu'il ne voulait pas partager avec le reste du monde. Qu'étaient ces enfants pour lui ? Des jouets, ou des frères et sœurs ? Autrefois, la réponse aurait été évidente. Mais ça, c'était avant qu'il grandisse et soit en mesure de se poser des questions sur lui-même. Contrarié, Peter soupira et balança doucement ses jambes dans le vide, regard perdu dans l'immensité de ce ciel dont les premières lueurs orangées de la fin d'après-midi apparaissent déjà à l'horizon.

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« T’en fais pas ! On trouvera bien une solution pour faire devenir Neverland comme il était avant ! » Peter hocha la tête. « J’espère que tu as raison. » Mais au jour d’aujourd’hui, Peter ne voyait aucune solution. Il avait beau tourner et retourner le problème dans sa tête, rien ne venait. Il était fichu. Neverland était fichu. Il inspira et se redressa : non, son Pays Imaginaire n’avait aucune raison de disparaître ! Il en était le seul et unique maître, et il le resterait ! Quitte à user de violence, comme le voulaient les indiens, si ses méthodes à lui ne fonctionnaient pas. « Nous ferons ce que nous avons à faire en temps voulu. Neverland nous appartient, et Peter Pan ne perd jamais. » lança-t-il avec un sourire mystérieux, yeux rivés vers l’ocean. Il se battrait pour ce spectacle qu’il chérissait, en compagnie de la fille la plus dévouée qu’il ait connu, en dehors de Tinkerbell. « Si tu crois te débarrasser de nous, c’est peine perdue ! On est à Neverland et on y reste ! Surtout que plus personne ne nous attend à Londres ! Et puis, tu ferais quoi sans moi ? ça serait le bordel ! » Peter éclata de rire et regarda un instant ses jambes qui se balançaient lentement dans le vide. Voilà pourquoi il ne pouvait pas considérer Jenny comme une fille : elle jurait comme un garçon ! « Je ne veux pas te savoir loin de moi, tu m’es trop précieuse ici … Mais je ne veux pas non plus qu’il t’arrive quelque chose. Et à Drew non plus. » Une petite moue anxieuse se dessina sur ses lèvres. Il releva les yeux vers le coucher de soleil, ô combien sublime ciel qu’ils ne prenaient plus le temps d’apprécier, depuis six ans. Les six années les plus longues de la vie de Peter, qui avait pourtant traversé les âges sans s’en rendre compte. « Penses-tu qu’il est sage d’attaquer les habitants de Rivebois, comme les indiens ? » Voilà des sujets qu’il traitait avec ses bras droits. Peter espérait qu’elle lui dise non, lui dise que c’était une mauvaise idée. Il ne cessait de s’inquiéter plus encore depuis que les gosses perdus avaient commencé à penser et agir d’eux-mêmes, en allant attaquer le village en compagnie des peaux-rouges. Il pouvait bien en parler à Lily, cela ne changerait rien. « Aucun d’eux ne semble comprendre à quel point je tiens à vous tous, et à quel point j’ai peur qu’ils vous fassent du mal. » Sa voix était plus froide, et toute trace d’amusement avait disparu de son regard. De plus en plus souvent, Peter sentait cette rage envahir son cœur et son esprit de façon violente et fatale. Il avait soif de vengeance, voulait se débarrasser de tous ceux qui venaient troubler son bonheur. Alors il serrait les points et se reprenait, car Peter Pan n’avait pas à basculer du côté des ténèbres. Il était le bien. Non ?

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« On attaque que lorsque l’on nous attaque, comme les pirates font la plupart du temps mais eux, ils ne nous ont jamais attaqué. Ce serait une mauvaise idée de faire comme les indiens ! Ils se sentent menacés par n’importe qui eux ! Tu leur fais rien, certains viennent te chercher ! » Peter hocha la tête, ravi que Jenny penses la même chose que lui. Rares étaient les enfants qui pensaient encore ça. Mais après tout, c’était Peter qui leur avait appris à se battre avec des bâtons, à faire semblant de jouer à la guerre entre eux … Il était le seul à pouvoir se blâmer. Les choses avaient pris une tournure excessive par sa faute : au fond, Peter le savait. C’était parce qu’il avait grandi que les filles perdues, puis les adultes, avaient pu rentrer dans leur vie. Comment pouvait-il faire encore machine arrière ? Pouvait-on décider de faire demi-tour lorsque l’inévitable arrivait ? Il refusait de faire preuve de maturité, de se laisser entraîner dans les sphères du temps. Il était Peter Pan ! « Alors je les empêcherai d’aller se battre, quels que soient les moyens qu’il faudra employer. » finit-t-il par répondre, d’une voix sombre. « Il faudra faire comprendre aux Enfants perdus qui sont nos véritables ennemis, c’est-à-dire les pirates. La plupart des filles ont compris et il a fallu que je m’énerve bien avec elles mais pour ce qui est des garçons, ça ne semble pas être le cas ! » Peter acquiesça et sourit. « Ta loyauté est sans égale, je te remercie de m’épauler comme ça. Et puis, je ne saurais comment gérer véritablement les filles. » Il tourna son regard vers l’océan de nouveau et soupira. « Je vais les anéantir, une bonne fois pour toute. Qu’ils s’en aillent, eux et leurs adultes, et qu’ils nous laissent en paix pour toujours. » Mais quoi qu’il dise, il n’y arriverait pas sans les autres enfants. Sans les indiens, et les fées. Et sans les Sirènes. Les Sirènes étaient la hantise des pirates et elles feraient d’excellentes alliées dans cette guerre. Or la famille royale semblait bien loin de leur querelle, et Peter comptait sur l’avènement de la Princesse Eriel pour tenter de lui faire prendre parti. « Il ne nous arrivera rien ! On n’a encore déploré aucune perte et c’est pas aujourd’hui que ça va arriver ! Si toi tu as peur pour nous, moi j’ai peur pour toi ! Cela fait des jours que tu ne souris plus hormis tout à l’heure ! Tu ne dors même plus ou très peu ! » Il fronça les sourcils et observa leurs mains, entre eux, posées sur la branche. Cela se voyait-il tant que cela, qu’il était anxieux ? Il secoua la tête qu’il bascula en arrière, visage tourné vers le ciel ensoleillé. Au loin, commençaient à menacer des nuages noirs. Il ne fallait pas qu’il pleuve, ce soir était donnée la petite fête en l’honneur de Wendy, John et Michael Darling. « Ne t’en fais donc pas pour moi. Je n’ai pas autant besoin de sommeil que vous, même maintenant. Et puis, je dois oublier de sourire parce que le temps passe trop vite et que j’ai énormément de choses à faire ! » Quel mensonge pitoyable ! Il tenta pourtant d’illustrer ses propos en esquissant un joli sourire qui se voulait le plus sincère possible. Si Jenny commençait à remarquer qu’il était ailleurs, très vite les autres le verraient aussi. Seule Tinkerbell le savait jusqu’à présent, et Lily avec qui il partageait plus aisément ses craintes puisqu’il avait à faire à un chef allié. « Qu’est-ce que ça te fait, de grandir ? » s’enquit-il alors, curieux.

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« Des crampes aux coudes, des crampes aux genoux et des crampes aux chevilles et ce en plein milieu de la nuit le plus souvent, ce qui m’empêche de dormir ! »  Peter ne put s’empêcher d’éclater de rire et manqua de basculer en arrière de la branche, ne comprenant que trop bien ce sentiment désagréable que le corps entier tirait dans tous les sens. Mais le garçon avait su trouver la force de faire taire les douleurs qui le harassaient, la nuit, quand il ne dormait pas. Il avait beau être affaibli, il lui restait encore suffisamment de magie pour voler, se téléporter et se soigner, quand bien même c’était plus fragile qu’autrefois. « Et toi, ça te fait quoi d’être dans la peau d’un adolescent ? » Peter haussa les épaules. « C’est aussi peu agréable ce que tu décris, même si c’est différent. Je n’aime pas ce que je ressens parfois. » Le garçon ne s’attarda pas sur le sujet, qui lui était désagréable. Désagréable physiquement et mentalement. « En fait, je dirais même que c’est effrayant. » Il n’avait pas peur des pirates, pas peur des adultes, et de toutes ces choses qui rythmaient à présent leur quotidien ; non la seule peur de Peter Pan était de grandir. D’avoir des sentiments. Des responsabilités. Et ne plus avoir envie de jouer. « Mais peu importe : ce soir nous nous amuserons pour fêter le retour des Darling et nous oublierons tout ça ! Tu seras de la partie, j’espère ! » lança-t-il joyeusement, retrouvant une attitude purement puérile et enfantine, innocente. Son comportement contrastait avec les paroles qu’il avait proférées quelques minutes plus tôt ; cela désarmait bien des gens qui ne savaient pas comment réagir avec Peter, qui pouvait s’énerver et rire en l’espace de quelques secondes. Effrayant, tyrannique, voilà ce qu’on disait de lui parmi les adultes. L’enfant Roi, l’enfant adulte, plus malsain que quiconque sur cette île. Ca le faisait doucement rigoler, en plus de l’agacer. Il sourit avec douceur et s’empara de la main de Jenny, avant de se laisser glisser de la branche d’arbre, beaucoup trop haute. N’importe qui se serait lourdement écrasé en bas, mais Peter fit en sorte qu’ils atterrissent en douceur, bien que ce fut moins gracieux que ce qu’il aurait voulu. Pliant genoux avec une grimace, il se releva et frotta son pantalon pour enlever la terre. « Tu ne t’es pas fait mal ? » s’enquit-il en l’observant d’un œil inquiet, réalisant que la chute avait dû être d’autant plus violente pour elle. « J’ai mal évalué la vitesse de chute. » se justifia-t-il en tapotant son doigt sur ses lèvres, tête levée vers la plus haute branche de l’arbre qui leur avait servi de perchoir. Il préférait mentir que d’avouer que sa magie faiblissait et qu’il n’avait tout simplement pas été capable d’user assez de ses réserves pour un atterrissage tout en douceur. Il était inutile de mentir, surtout à Jenny qui le servait loyalement, mais il s’avérait qu’un enfant comme lui était incapable d’assumer une telle honte. Peter avait l’horrible sensation de ne plus être celui qu’il avait été, de perdre de sa splendeur, de se perdre lui-même. Sans magie, il ne serait plus Peter Pan, le garçon qui faisait rêver les enfants du monde entier. Il tendit la main pour retirer une feuille des cheveux de Jenny qu’il laissa tomber au sol avant de lui sourire et de tourner la tête vers le chemin conduisant au campement. « Peut-être devrions-nous rentrer, le soleil commence à décliner. » Rien ne les empêchait de passer encore un moment ensemble, même au camp. Cependant, Peter préférait être aux côtés des siens quand venait la nuit.

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« Ben , quand on est fatigué et qu’on dort pas, voilà ce qui arrive ! Je t’assure ! Tu devrais te reposer ! Je monterai la garde pendant que tu dormiras ! Mais ce sera pour ce soir vu qu’il y a la fête ! » Peter fit une petite moue penaude. La réaction de Jenny lui rappelait étrangement celle qu'aurait pu avoir la fille qu'il avait considéré comme sa mère, Wendy. Elle ne se gênait pas pour le rappeler à l'ordre quand il était en faute. Les enfants n'avaient jamais un tel comportement d'habitude, or depuis qu'ils grandissaient, ils étaient beaucoup plus enclins à la dispute. « Je ne suis pas si fatigué que ça ! Mais si ça ne te gêne pas, je veux bien avoir l'occasion de dormir une nuit entière sans me soucier de ce qu'il peut arriver. Le camp est entre de bonnes mains avec toi, et je te revaudrai ça ! » répondit-il d'une voix reconnaissante. Il lui proposa alors de rentrer à cause de la nuit qui commençait à tomber, baignant Neverland d'une teinte plus sombre et moins rassurante. Autrefois, c'était la nuit tombée qui rassurait Peter plus que le reste ; les pirates ne s'aventuraient que rarement dans les terres lorsque la lune était haut dans le ciel. Mais aujourd'hui … Les patrouilleurs de Rivebois rôdaient. Pas toujours. On avait pris soin d'effrayer adultes comme enfants du village, leur faisant croire que les Ombres capturaient quiconque s'y aventurait. Mais la seule ombre vivante, pour l'instant, était celle de Peter, et son Ombre n'aurait pas fait de mal à une mouche. Ah, vraiment ? « Oh, encore cinq minutes s’il te plait ? » demanda-t-elle, peu amène à retourner au camp. Peter haussa un sourcil et rit un peu, avant de hocher la tête. Sans doute négligeait-il Jenny depuis quelques temps, et il s'en voulait énormément. Il prit sa main dans la sienne et acquiesça. « Tout ce que mademoiselle voudra ! » railla-t-il. Les filles étaient bien plus capricieuses que les garçons, c'était indéniable. Mais Peter n'avait pas le cœur à leur refuser quoi que ce soit, tant que cela ne les mettait pas en danger. Refuser quelque chose à une fille le rendait étrangement malade, sentiment désagréable que Wendy appelait culpabilité. Ce sentiment, il le ressentait aussi quand il se rendait compte qu'il n'avait pas passé de temps avec Tinkerbell depuis ce qui lui semblait faire des lunes, ou qu'il disputait un Enfant Perdu s'étant trop éloigné du Camp. Il l'attira à sa suite parmi les arbres qui n'avaient plus cette jolie habitude de faire vibrer leurs feuilles à leur passage, tandis que les oiseaux chantaient pour les saluer. Les animaux sauvages fuyaient lorsqu'ils approchaient, menacés, comme le reste des habitants de Neverland. « Il y a quelque chose que tu veuilles faire en particulier, ou un endroit où aller ? » s'enquit-il alors en tournant la tête vers l'enfant rousse. Il pouvait bien lui accorder plus de cinq minutes, malgré son anxiété constante qui poussait indéniablement Peter à retourner au camp pour veiller sur les siens. Oui, pour une fois, il pouvait laisser sa peur de côté. Et la fête était bien loin d'être commencée, ils avaient le temps. « Peut-on encore dire que nous avons le temps, alors qu'il défile beaucoup trop vite? » se demanda-t-il. Plus que jamais, le garçon comprit qu'elle était cette chose que l'on appelait Temps. Il détruisait tout sur son passage, réduisait ceux qui y étaient soumis en esclavage. « Je crois que je peux bien t'accorder plus de cinq minutes. » ajouta-t-il en haussant les épaules, avant de lâcher doucement sa main pour croiser ses bras sur son torse. Une habitude d'enfant qu'il n'avait jamais perdu, mais qui avait plus d'envergure avec ce corps d'adolescent perdu, en proie à des émotions … Humaines.

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Jenny ne lui fut pas d’une grande aide quand il lui demanda ce qu’elle voulait faire du temps libre qu’ils pouvaient encore passer ensemble. « Oulà ! Bonne question ! J’en sais rien du tout mais du moment que je suis avec toi, ça me va ! » Il tapota ses lèvres du bout de son doigt, en se demandant ce qu’ils pouvaient bien faire pour passer le temps. Autrefois ça aurait été plus simple : ils se seraient couru après comme les enfants qu’ils étaient, inlassablement. Ils n’auraient même pas pensé à rentrer, parce que la nuit serait passée avant même qu’ils s’en rendent compte. « C’est vrai ? Sérieux de chez sérieux ? Oh merci Peter ! » A ces mots, Jenny se jeta à son cou et il sursauta légèrement. Le cœur de la jeune fille battait si vite que le garçon, perturbé, ne put contrôler les propres battements de son cœur. Il avait beau ne pas s’y connaître en sentiments, il savait que cela ne présageait rien de bon. Il planta son regard dans le sien et sourit avec innocence, avant de la relâcher et tapoter sa tête du plat de sa main. « Ce n’est rien voyons. Je n’ai pas passé beaucoup de temps avec toi récemment, il faut bien que nous rattrapions le temps perdu ! » Il n’aurait jamais cru dire ça un jour. C’était sans conteste la pire chose qui soit. Peter essaya de faire marcher son cerveau de toutes ses forces et passa ses mains dans ses cheveux blonds. « Et si on allait à la cascade ? » Il ne parlait pas de celle où les sirènes passaient le plus clair de leur temps, dans la crique, mais celle non loin d’ici, en plein centre de l’île. C’était un endroit calme, davantage convoité par les fées. Mais leur présence n’était en rien dérangeante, surtout quand venait la nuit. Elles dispensaient leur lumière singulière tel des étoiles fragiles et délicates. Peter entreprit de sauter par-dessus une souche et prit le chemin de la cascade en sifflotant un air qu’il avait entendu en allant en ville, avant de s’en rendre compte et de cesser, agacer. « Il y a une fête chez les indiens, bientôt. Je demanderai à ton frère de m’accompagner, tu veux venir ? » s’enquit-il pensivement, sans quitter le sol des yeux, comme passionné par ce que ses pieds écrasaient. Plus Peter pouvait faire la fête, plus il était content. Comme avant tout ça. Quand faire la fête prenait plus de place dans sa vie que tout le reste. Et ce dont il avait le plus envie en cet instant, c’était fumer. Oui, ce n’était pas un truc d’enfant, mais il le faisait toujours chez les indiens : un excellent moyen de se détendre, bien meilleur que tout ce qu’il avait connu, et essayé. Après ça, Peter garda le silence. Il avait beau s’exprimer de plus en plus, il n’aimait pas ça. Il préférait que son corps et ses yeux parlent pour lui. Tous deux finirent par déboucher sur une petite prairie dans laquelle coulait un ruisseau, surplombé par une cascade d’eau pure. Un endroit serein qu’il aimait fréquenter et qui, d’après ce qu’il savait, était le refuge des couples qui se formaient à présent au camp. « J’aime bien cet endroit. On s’y sent … Chez soi. Tu savais que l’eau y est magique ? » demanda Peter en se retournant fièrement vers Jenny, dont les cheveux volaient doucement au vent. « Depuis quand tu laisses tes cheveux détachés ? » continua-t-il en riant, en le remarquant pour la première fois, maintenant qu’ils voletaient autour de son visage.