Turn Loose the Mermaids

J'entends le chant des sirènes, seuls les faibles y succombent

Le maillot de bain. Ok. Le sous-vêtement de rechange. Dans la poche arrière de mon pantalon. Le goûter. Ok. Bon… Eh bien je crois que j'ai tout ce qu'il me faut. Posté devant la porte de ma chambre, je vérifie une fois de plus que j'ai bien tout ce qu'il me faut pour ma petite escapade matinale. Ouais, aujourd'hui j'ai envie de filer à l'anglaise et de profiter de la douceur de la matinée, en allant faire quelques brasses dans une crique des plus adorables. Un petit endroit bien protégé, à l'abri du moindre regard et loin de tout. Le genre de coin où l'on peut nager en toute tranquillité, sans être dérangé par un pirate qui veut votre peau ou par qui que ce soit d'autre. Tout ce que je demande, c'est de profiter du calme de cet endroit et de la fraîcheur de l'eau, juste histoire de m'échapper de mon quotidien étouffant le temps d'un instant. Une fois sûr de tout avoir, je ferme à clé la porte de ma chambre, vérifiant que celle-ci soit désormais bien fermée. J'ouvre alors la fenêtre, m'échappant par celle-ci, atterrissant un étage plus bas dans un buisson, qui semble m'accueillir avec plaisir. M'extirpant de ses petits branchages, quelques peu amourachés de ma chemise, je m'éloigne le plus possible de ce petit bout d'enfer, le coeur léger à l'idée de m'échapper ne serait-ce que le temps d'une journée.

Vingt minutes, je dirais. C'est le temps qu'il me faut pour rejoindre cette petite crique. Pas plus. Bon je dois avouer que j'ai un peu traîné en chemin, mais y'avait un cerisier… Et j'avais faim, puis vous auriez dû les voir… C'était un appel. Je me devais de grimper pour en récupérer quelques unes. Ouais juste de quoi faire pour la route. Bref. J'arrive finalement par atteindre l'étendue d'eau, trouvant cet endroit aussi calme qu'à son habitude, rien ne troublant la surface lisse de l'eau clair. Le soleil plutôt doux de la matinée fait lentement scintiller l'eau, tandis qu'un vent des plus discret fait lentement chanter la végétation environnante. Je me débarrasse de mes vêtements rapidement, laissant ma chemise et mon pantalon reposer sur le sol, ne gardant que mon short de bain couleur outremer. Lentement je pénètre dans l'eau clair et fraîche, troublant la surface de quelques vaguelettes discrètes qui viennent se perdre au loin. Dans un silence des plus appréciables, je laisse l'eau m'entourer, glissant sur ma peau telle de tendre caresses sur mon corps. Je me laisse aller dans l'étreinte sensuelle de l'eau qui m'accueille telle une amante heureuse de me retrouver après une longue séparation. J'esquisse un premier mouvement de brasse, puis un autre, glissant lentement dans l'eau, laissant mon esprit s'échapper, oubliant le temps d'un instant tout ce qui peut peser sur mes frêles épaules. J'oublie tout, appréciant la compagnie discrète de l'eau et de la végétation qui murmure au fil du vent.

Tout semble aller bien. Trop bien, même. Seulement, insouciant comme je le suis, je divague au fil de l'eau, nageant lentement sans me douter de rien. Et là mon coeur rate un battement au moment même où je sens quelque chose m'effleurer la jambe. Éphémère et pourtant réel. Tandis qu'un frisson de terreur me parcours l'échine, mon coeur se décide subitement à battre n'importe comment. Je me fige, le souffle court, n'osant plus bouger tandis que mon imagination s'emballe au rythme de mon coeur. Oh ne me dites pas que c'est ce que je crois… Non mais au pire… Ce n'était rien, sûrement trois fois rien… Seulement de nouveau je sens quelque chose effleurer ma jambe. Bon ok. Là c'était pas mon imagination. Y'a vraiment un truc dans l'eau. Et à mon avis… C'est quelque chose avec lequel je n'ai pas tellement envie de faire ami-ami. Je crois qu'il est temps pour moi de tirer ma révérence. Alors que j'essaye de rejoindre le rivage, voilà que s'interpose entre moi et la terre ferme une sirène. Oh oui. Une vraie. Avec les cheveux humides, les yeux reflétant une candeur malicieuse, les écailles aux teintes azurées, bref la totale. Bien contre moi, je me retrouve alors à plonger mon regard apeuré dans celui de la sirène, les lèvres légèrement entrouvertes tandis que mon coeur, lui, semble décidé à exploser dans ma poitrine.

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J'entends le chant des sirènes, seuls les faibles y succombent

Je sens son regard parcourir mon être tandis que pour ma part, je continue de paniquer en silence, mon coeur essayant de se frayer un chemin hors de ma cage thoracique. Par dessus son épaule je regarde le rivage, ainsi que mes fringues, rêvant qu'elle ne se tienne pas entre moi et ma rédemption. C'est pas qu'elle me dégoûte mais… Je suis désolé les écailles… Beurk. C'est pas que c'est désagréable au toucher… Mais c'est visqueux et froid et… Ouais ben je n'ai jamais dit que c'était rationnelle comme peur. Une femme, ok, mais avec une nageoire, non. Juste non. D'ailleurs en parlant de ça, la voix de velours de la sirène vient tinter à mes oreilles, me tirant au passage hors de ma rêverie. "C'est dur de nager avec ça ?" me demande-t-elle tandis qu'elle regarde mes deux jambes battre dans l'eau pour me maintenir à la surface, avec une certaine curiosité des plus désarçonnantes. À tel point que je me demande si elle ne porte pas une étrange fascination pour les bipèdes. Eh jeune fille, cesse de regarder avec autant d'insistance mes gambettes, sinon je vais finir par me demander si tu ne serais pas quelque peu jalouse… Non pas que… Enfin bref, cessons de nous concentrer sur mes jambes s'il vous plait. J'essaye de lui adresser un sourire faussement assuré tandis que j'esquisse un début de rire.

"Aussi simple que cela… Un vrai jeu d'enfant lorsque l'on sait s'y prendre."

Je fais un mouvement de bras vers la gauche pour me décaler légèrement, passant à deux doigts de l'effleurer. L'air de rien j'essaye de m'éloigner sans la quitter du regard, espérant regagner la rive avant que la sirène, visiblement intrigué par ma personne, ne se décide à me mettre le grappin dessus. J'voudrais pas me retrouver avec une sirène sur les genoux en train de m'inonder de questions. Certains seraient ravis à cette idée, mais pas moi. J'ai pas envie de me faire croquer par une de ses créatures tentatrices ou pire… Finir noyé. Un frisson m'échappe presque à cette simple pensée. Noyé dans les bras d'une d'entre elle. Le cauchemar. Alors que je continue de soutenir son regard, affichant toujours se sourire faux, je réussis à échanger nos places, me trouvant désormais dos au rivage. Je n'ai plus qu'à lentement reculer, et une fois le rivage gagné… Me voilà en sécurité.

"Tu aurais des jambes, je t'apprendrais bien mais j'ai peur de ne rien y connaitre en matière de nageoire et de sirènes… "

Je l'occupe, déversant ce flots de paroles aussi inutiles qu'idiotes tandis que je m'éloigne doucement d'elle, reprenant pieds au fur et à mesure. Seulement voilà, la belle suit le mouvement, s'approchant au fur et à mesure que je m'éloigne. C'est bien ma veine. Tu vas voir qu'elle va vouloir que je reste avec elle, pire elle va peut-être vouloir m'emmener. Ok de toute façon tant qu'elle ne chante pas, y'a pas de risque… Pas vrai ? Je tremble de plus en plus au fur et à mesure qu'elle ondule lentement vers moi, la fascination dans son regard ne voulant pas s'éteindre tandis que ses yeux se perdent dans mon regard paniqué. Je vous assure que si elle me touche, je hurle. L'inconnue se trouve désormais à une longueur de bras de moi lorsque, d'un plongeon habile, elle vient de nouveau s'interposer entre moi et la terre ferme, me repoussant gentiment dans l'eau, d'une simple poussée sur mes épaules. Muet de panique je me retrouve ainsi de nouveau en tête à tête avec elle. Univers, si tu m'entend, tu sais que je suis un mec bien, alors pourquoi ? Pourquoi moi ? Si le sourire charmant n'a pas fonctionné, je crois qu'il est temps pour moi de demander grâce. Je ne vois plus que ça. Je sors les mains hors de l'eau, lui montrant mes paumes grandes ouvertes en signe de rémission.

"Ok, ok, je m'excuse, j'aurais pas du essayer de fuir… Mais faut me comprendre, j'ai pas envie de finir dévoré ou pire, noyé. Alors s'il te plait… Ne me croque pas."

Tu parles d'un homme, je ressemble plus à un gamin qui essaye d'éviter une raclée. Vous trouvez ça pathétique ? Imaginez une seule seconde ce que la sirène doit être en train de penser de moi.

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J'entends le chant des sirènes, seuls les faibles y succombent

Pourquoi ? Mais c'est quoi cette question ? Il me semble que ça tombe sous le sens, non ? C'est une sirène. Son but dans la vie c'est pas de dévorer les idiots qui ont un fantasme plus que malsain pour les femmes à nageoire, qui leurs offrent amour et richesses ? Non ? Je sens bien une espèce de fascination l'habiter, il suffit pour cela de voir le regard qu'elle pose sur ma personne, comme si j'étais un des rares humains qu'elle avait eu la chance de croiser. Rien qu'à sa question de toute à l'heure, j'ai cru comprendre qu'elle n'avait pas vraiment encore fait trempette avec un humain. Que je lui apprenne à nager. Amusant. On dirait même presque le début d'une mauvaise blague… C'est un tailleur et une sirène qui vont à la mer…. Ouais non. Puis les créatures marines, c'est vraiment pas mon truc. Mais alors vraiment pas. Presque gêné par ses questions, je rougis bien malgré moi, détournant au passage le regard en haussant vaguement les épaules. Peur, oui mais entre nous, ça me fait presque mal de l'admettre. C'est un peu gênant et ridicule de la part d'un adulte. Alors chut, c'est un secret. Mais bon, mentir serait idiot, vu qu'elle n'est pas la dernière des sottes et qu'il est évident que je suis plus qu'angoissé. Alors autant jouer cartes sur table. Ou pas.

"T'es une sirène… Ton seul but dans la vie c'est de noyer les hommes, pas vrai ? Alors c'est normal que j'ai… que je sois méfiant, je n'ai pas envie de me faire charmer juste pour avoir le plaisir de finir avec de l'eau pleins les poumons. J'suis encore trop jeune pour mourir."

Je regarde l'eau onduler lentement autour de nous, pinçant vaguement les lèvres tandis que je réprime un énième frisson. J'aimerais dire que tout ceci est la faute de l'eau qui est trop froide, mais se serait mentir. J'ai la trouille, c'est tout. Ouais comme un gosse. Plus pour moi que pour elle, je rajoute :

"Et puis j'ai pas "peur"…."

Sans compter que c'est une trop belle journée pour mourir, surtout dans les bras d'une créature aquatique. Il me semble que nous en avons déjà parlé, un cauchemar. Non, non pas question que je meurs de cette façon. Jamais. Du coup, j'ai plus qu'une solution : rejoindre la terre ferme et retourner me cacher sous ma couette. Pire qu'un gosse. Alors que je meurtris un peu plus ma lèvre inférieure de mes petites quenottes, je me décide enfin à reposer mon regard apeuré dans le sien, croisant de nouveaux ses prunelles envoûtantes. Ouais faut s'avouer un truc, elle est adorable, mignonne et tout… Mais la nageoire. Les écailles. Je pense que je n'ai pas besoin de m'expliquer plus que cela. Que faire ? Parce que je me connais, j'suis faible et au bord de la crise de panique. M'en faudrait pas bien plus pour que je commence à hurler et à paniquer dans tout les sens. Peut-être une autre effleurement de nageoire de sa part… Ou pire. Qu'elle en vienne à me toucher. Oh ça. Ce serait la fin de tout. Le jour où je meurs parce que mon coeur aura littéralement foutu le camp hors de ma poitrine. Je passe une main dans mes cheveux, enlevant les quelques mèches qui barraient mon champs de vision, je me racle la gorge, fixant désormais ses écailles qui étincellent sous l'eau. J'ai envie de fuir, de m'échapper mais voilà, je suis coincé avec elle et j'ai comme l'impression que fuir n'est pas une option. Sans compter que l'inconnue semble plus qu'intéressée par ma personne.