YOU OWE ME.

Amarré. Le mot fut juté sur le pont du Neptune comme l’annonce d’une pause bien méritée. Londres était désormais loin derrière eux. Et ils étaient bien partis pour rester à Neverland suffisamment longtemps pour se réapprovisionner en rhum et satisfaire leur libido. Oui, l’amarrage semblait libérateur. Pour l’équipage du moins. D’ailleurs, ces abrutis étaient déjà en train de courir partout. D’un œil morne, Jesse les regarda s’agiter, et soupira. Comment pouvaient-ils être si heureux d’être de retour ? Il avait envie de repartir sur l’océan. Tout de suite. Mais le rôle d’un Capitaine était aussi d’accorder des pauses à son équipage. Et puis, il en avait assez de les entendre crier. Alors le quartier libre fut prononcé. Et le pirate retourna s’enfermer dans sa cabine.

La journée touchait à sa fin, et Jesse lança pour la énième fois son couteau dans le plafond de sa cabine, en continuant à se poser l’éternelle question. Que faire ? Il n’avait aucune envie de quitter le Neptune, encore moins pour aller se perdre dans Neverland, mais les possibilités de divertissement sur le navire étaient relativement limitées. Dans le pire des cas, il y avait toujours le rhum. La solution à tous problèmes. Le couteau tomba par terre, et le Capitaine se traîna jusqu’à la cale. Et pendant que le liquide lui brûlait doucement la gorge, une idée lui vint et un rictus s’étendit sur son visage. Il savait exactement quel divertissement il désirait.

De retour sur le pont, il héla un membre quelconque de son équipage et lui ordonna d’aller en récupérer une dizaine. Cette fin de journée promettait de rattraper son début si peu prometteur. Faisant tourner la bouteille entre ses mains, Jesse s’appuya contre le bastingage en attendant leur arrivée. Ses yeux se posèrent sur un gros sac qui paraissait relativement solide, et son rictus s’agrandit. Il allait bien s’amuser. Les pirates revinrent enfin, et le Capitaine donna ses ordres en souriant, avant de reprendre sa place contre le bastingage et les observant partir. Edward Blackwell allait avoir la peur de sa vie.

Une trentaine de minutes  passa, et Jesse patientait en buvant. En ce moment précis, ses hommes devaient avoir débarqué dans le bordel de Rivebois et atteint la chambre de sa future victime. Dans quelques secondes, il serait enfermé dans un sac, sans aucune douceur, et traîné jusqu’à lui. Il n’allait pas comprendre ce qui lui arrivait. C’était probablement le plus amusant dans cette histoire. Oui, aujourd’hui, il allait apprendre à Edward ce qu’il arrivait lorsqu’on se retrouvait endetté à des pirates. Et ça n’allait pas être joli.

La fin de la bouteille y passa, mais le sac finit par être jeté sans ménagement à ses pieds. Un rictus moqueur s’installa sur son visage, et il remercia son équipage d’un geste en traînant le sac jusqu’à sa cabine. Bordel, pas si léger que ça finalement. Visiblement, il avait omis qu’un corps adulte faisait son poids. Lorsqu’ils finirent par atteindre leur but, Jesse soupira de soulagement et ouvrit le sac en souriant. Le visage de sa victime ne fit qu’agrandir son sourire, et il s’appuya contre le mur en le regardant se dépêtrer de là, narquois. « Bonjour Edward. J’espère que le voyage n’a pas été trop difficile. » Il ne bougea pas d’un pouce et garda son regard fixement planté sur le jeune homme. Inutile de l’effrayer dès le départ. Il aurait bien assez de temps pour cela après. « Alors … Ton « petit travail » t’as permis d’amasser assez d’argent pour payer ta dette, ou tu comptes me faire attendre encore plus longtemps ? » Le Capitaine du Neptune détestait attendre, c’était bien connu. Mais il détestait encore plus être volé. Et l’énergumène qui se tenait devant lui l’avait volé en fuyant lâchement. Donc logiquement, il ne pouvait pas s’en sortir aussi simplement qu’en lui rendant son argent. Il devait payer le prix de la trahison. Mais le jeu ne faisait que commencer.


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I owe you

I F*cked My Way To Neverland, and now i've got nothing...

Certains jours, l'Univers vous envoie des signes, vous faisant clairement comprendre qu'il vaut mieux pour vous que vous restiez sagement au lit en attendant demain. Et c'est exactement ce que j'aurais dû faire. Seulement, ce n'est pas exactement comme si j'avais eu le choix. Loin de là. J'ai à peine eu le temps d'ouvrir les yeux que tout s'enchaînait bien trop vite pour moi. Un mal de dos épouvantable me prit à la sortie du lit, tandis que le patron commençait déjà à me hurler dessus, ne se gênant pas le moins du monde pour me traiter de tout les noms, insistant bien sur le fait que je devrais me montrer plus reconnaissant envers tout les sacrifices qu'ils avaient fait pour moi. Oh oui, m'accueillir pour ensuite me vendre au premier inconnu qui serait prêt à remplir tes poches de quelques pièces d'or… Tu parles d'un sacrifice. La journée a donc suit son cours habituel, étant rythmée par les quelques habitués, son lot de corvées et la morosité quotidienne, qui semble parfois plus oppressante que l'odeur de tabac qui semble imprégner chaque mur de ce lieu détestable. Lentement je regardais la journée filer, rêvant qu'elle touche à sa fin, tandis que les client passaient sans vraiment attirer plus que cela mon attention. Au final c'est plus simple de penser à autre chose, histoire de se donner l'illusion que ce n'est qu'un immense cauchemar dont on va bien finir par se réveiller.

Finalement, le temps semble vouloir de nouveau s'écouler, puisque la journée touche lentement à sa fin, s'apprêtant à laisser place à la nuit. C'est généralement à cette heure-ci que commence l'heure de pointe. C'est plutôt sous le voile de l'obscurité que les clients affluent ici, désirant se payer une créature facile, juste histoire de relâcher la tension accumulé dans la journée. C'est aussi à ce moment que les pirates se décident à échouer une fois la beuverie bien entamée, histoire de s'égayer un peu plus. Vous trouvez ça immonde ? Bienvenue dans mon monde. Mais bref, rangeons les violons et revenons à notre propos initial. Assis sur un coin de mon lit, je reboutonne ma chemise, tournant le dos à l'inconnu dans ma chambre, me préparant déjà à recevoir le client suivant. Ce dernier ne s'embarrasse pas du moindre mot et quitte ma chambre en m'ignorant outrageusement au passage. Alors qu'il referme la porte, je fusille du regard cette dernière avant de pousser un soupir. Au moins, il n'est pas le genre à m'insulter ou à me rabaisser volontairement. C'est plutôt appréciable… Dans un sens. C'est alors que quelqu'un toque à ma porte. Hum, étrange. Je vais ouvrir la porte, pensant naïvement tomber sur un client un peu timide qui n'ose pas franchir le seuil de ma chambre, mais non, voilà que je me retrouve nez à nez avec la moitié de l'équipage du Neptune. Bon ok j'exagère, pas la moitié mais dix de trop. Alors que mon coeur rate un battement et qu'un sourire cruel se dessine sur leurs lèvres, je reste quelques secondes à les regarder avant de leur claquer la porte au nez. Ok. Ok. Du calme. C'était sûrement un rêve, rien de plus. Comme si le Capitaine irait jusqu'à envoyer ses hommes pour moi… Juste pour une histoire d'argent… Trois fois rien en plus, une toute petite somme de rien du tout. Non… Ce n'est pas son genre, il a sûrement plus important à faire. Seulement le coup qui retentit contre ma porte sonne étrangement comme les cloches du jugement dernier, et le pirate qui défonce ma porte d'un coup d'épaule a vaguement la tête du bourreau qui vient me traîner jusqu'en enfer. Ni une ni deux, j'essaye une fois de plus de leur fausser compagnie, courant jusqu'à ma fenêtre, espérant avoir le temps de sauter par celle-ci. Seulement, me voilà coupé dans mon élan par une main ferme qui m'attrape par la ceinture et me ramène autoritairement vers eux. Eh merde. Je n'ai pas le temps d'émettre la moindre protestations que je me retrouve dans un sac, à me faire traîner je ne sais trop où. Enfin, je ne me fais pas tellement d'illusions… Le Neptune m'attend probablement, tout comme son Capitaine qui cherche ardemment son argent promit et attendu depuis bien trop longtemps.

Le chemin est chaotique, je suis jeté, traîné, comme si je n'étais qu'un vulgaire sac de patates. Au cas où, y'a un otage là-dedans, alors si on pouvait au moins m'amener entier jusqu'au Capitaine, je dois avouer que ce serait bien. Finalement quelqu'un à la bonté d'ouvrir ce sac étouffant, me permettant de reprendre mon souffle. Mes yeux se posent alors sur mon "sauveur". Jesse Miller. En chair et en os. J'arrête immédiatement de respirer, soutenant son regard avec crainte tandis qu'adossé au mur, un sourire malveillant aux lèvres, sa voix retentit dans la cabine. Sans oser l'interrompre, je fuis son regard, respirant avec difficulté, cherchant mes mots. Va falloir la jouer finement, histoire de voir si les négociations sont toujours de mises… Je m'extrais du sac, me relevant lentement, passant nerveusement une main dans mes cheveux, commençant à faire un pas, puis deux en arrière.

"Vous allez rire Capitaine… Mais… Comment dire… Disons que ce "petit travail" ne paie pas très bien. En fait, pas bien du tout. Ce qui fait que je suis loin d'avoir de quoi rembourser ma dette…"

Ok, je peux pas juste claquer cela et espérer que tout ce passe bien. Je lui dirais bien d'attendre encore un petit peu, mais il me semble qu'il n'est pas du genre patient. Je continue de reculer, essayant de mettre le plus d'espace possible entre lui et moi.

"Mais promis, dès que j'ai l'argent nécessaire, il sera à vos pieds…"

Je heurte alors le mur derrière moi, me retrouvant à poser mon regard sur le pirate, ayant la désagréable impression d'être une simple proie face à un prédateur sadique et assoiffé de sang.

YOU OWE ME.

Pathétique. C’est la seule et unique chose qui lui venait à l’esprit lorsqu’il regardait cet animal sans défense qui s’agitait devant ses yeux. Il reculait, pas après pas, comme si il était menacé. Enfin, en soit, il était menacé, mais Jesse ne pouvait s’empêcher de se dire qu’une peur si évidente était exaspérante, compte tenu du fait qu’il n’avait pas vraiment commencé à jouer avec lui. Il commençait à s’inquiéter, en vérité. Et si Edward ne se montrait pas à la hauteur ? Et s’il ne s’amusait pas autant que prévu ? Il le tuerait, probablement. Après tout, il n’aurait plus aucun intérêt. Et pour une fois, il n’aurait pas besoin de donner une raison à qui que ce soit.

"Vous allez rire Capitaine… Mais… Comment dire… Disons que ce "petit travail" ne paie pas très bien. En fait, pas bien du tout. Ce qui fait que je suis loin d'avoir de quoi rembourser ma dette…"

Il haussa un sourcil et sourit, amusé. Vraiment ? Cette petite chose tremblante pensait vraiment qu’il se contenterait de cela ? Divertissant, finalement, ce jouet.

"Mais promis, dès que j'ai l'argent nécessaire, il sera à vos pieds…"

Un rire moqueur s’échappa de la gorge du Capitaine, qui se décida finalement à se décoller du mur pour sortir son couteau et le faire tourner entre ses mains distraitement, le regard planté sur sa future victime. Une multitude d’images se formèrent dans son esprit. Son sang. Ses larmes. Ses cris. Ses supplications. Les yeux du pirate s’animèrent d’une lueur malsaine, et il se mordit la lèvre inférieure en faisant courir son regard sur le corps du gigolo. Qu’il serait beau attaché. Qu’il serait agréable à regarder s’il lui était offert, tremblant.  Que ce serait bon de passer sa langue sur cette peau si elle était baignée de sang. Oui, Edward pouvait s’avérer très divertissant, tout bien réfléchi. Un sourire sadique s’étendit sur les lèvres de Jesse, et il s’avança doucement vers sa proie en profitant de la moindre de ses réactions. Et lorsqu’enfin il fut à quelques centimètres de lui, il prit son temps pour poser la lame de son couteau sur son torse, sans appuyer aucunement, se délectant de son regard.

« Les pirates ne font pas de prêt, Blackwell. Alors faute de ton argent, c’est toi qui seras à mes pieds. »

A ces mots, le pirate appuya légèrement sur son couteau et observa le sang perler sur la poitrine du jeune homme. Le liquide ambré finit rapidement sur ses doigts et il s’éloigna légèrement en le léchant. Et tandis que le goût métallique exquis embaumait sa bouche, il prit le menton d’Ed entre ses doigts pour planter son regard dans le sien.

« T’as fait une grosse connerie en fuyant du Neptune, ce jour là. Tu t’es désigné tout seul comme nouveau jouet. »

Passant une main sur sa joue, Jesse sourit doucement et prit une voix tendre.

« Je me suis bien amusé à entendre parler de ton nouveau boulot de pute, à savoir que tu avais abandonné tout honneur, et toute estime de toi, pour offrir ton corps au plus offrant. J’ai été diverti par l’idée que tu faisais ça pour me rembourser. Ca faisait un peu de toi ma pute. Mais je commence à me lasser. »

Faisant de nouveau tourner son couteau dans sa main distraitement, son regard parcourut le corps d’Ed comme s’il s’était agit d’une marchandise. Ce qu’il pouvait faire de lui n’était pas un problème. Les idées ne manquaient pas. Non, le problème, c’est qu’il ne savait pas quoi choisir. Alors il recula, s’appuya de nouveau contre le mur en face de sa victime, et lui offrit un grand sourire narquois en pianotant sur le manche de son couteau.

« Alors crois-moi Blackwell, t’as tout intérêt à trouver un moyen de me distraire avant que je ne te juge sans intérêt. »


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